Dans une interview au New-York Times, Jeffrey Eugenides, l’auteur de « Virgin suicides » ou encore « Middlesex », se confiait sur ses lectures. armi ses livres de chevet, un certain Michel Houellebecq… Tandis qu’un autre article se penche sur la traduction récente au printemps 2012 de « Trois femmes fortes » de Marie NDiaye, ou encore la déferlante d’anglicismes dans la langue française… :
A propos de Michel Houellebecq, Jeffrey Eugenides qui lit « The map and the territory », commente le style provocateur de l’écrivain français, admirant son acuité à saisir l’époque aussi bien dans ses aspects sociologiques qu’économiques : « Houellebecq’s known for being a provocateur. He’ll say things like “Life was expensive in the west, it was cold there; the prostitution was of poor quality.” His book “Platform,” which is about sex tourism and Islamic terrorism, got him sued in France. What’s less appreciated is how acute he is on the subjects of business and the macro effects of global capitalism. His books are the strangest confections: part Gallic anomie, part sociological analysis, part Harold Robbins. He says a lot of depressing, un-American things I get a big kick out of. »
Il se dit aussi sensible à l’humour cynique de l’auteur qui fait sa marque de fabrique.
Dans la chronique du même New York Times sur le roman ayant obtenu le Goncourt 2010, le critique littéraire retient de lui sa « lucidité dépressive » ainsi que sa haute conscience de notre environnement socio-économique : « But what remained with me of this singular novel is a powerful sense of the Houellebecquian mood, which the critic Paul Berman once characterized as “depressive lucidity,” and which here consists of a heightened awareness of the impoverishment of everyday life and its landscape — that’s the territory of the title, whose squalor Jean-Pierre foresaw — along with a dammed-up pool of heartbreak. »
De son côté Marie N’Diaye, Goncourt 2009, est aussi à l’honneur des colonnes américaines et anglo-saxonnes, avec la traduction récente de « Trois femmes puissantes » (« Three strong women »). Dans la chronique qui lui est consacrée, toujours dans le NYT, la journaliste s’interroge, en introduction, sur la vision américaine (« limitée ») de la littérature française, moins connue que ses marques de luxe… : « Americans have a curiously limited vision of France. We may be wild about Chanel sunglasses, Vuitton handbags, Champagne or Paris in the spring, but when it comes to the kinds of contemporary French culture that can’t be bought in a duty-free shop, most of us draw a blank.
Avant de citer divers auteurs qui ont su se faire remarquer ses dernières années outre-Atlantique: « Luckily, this veil of benign ignorance is being lifted as publishers in the United States introduce American readers to a new generation of hugely gifted French writers who are reworking the boundaries of fiction, memoir and history (Emmanuel Carrère, Laurent Binet, the American-born Jonathan Littell) or of high art and snuff lit (Michel Houellebecq). Among the recent crop of writers just reaching the top of their game, Marie NDiaye, born in 1967 and now living in Berlin, is pre-eminent. »
Au sujet de l’opus de l’écrivain d’origine sénégalaise, elle s’enthousiasme : « NDiaye is a hypnotic storyteller with an unflinching understanding of the rock-bottom reality of most people’s lives. This clearsightedness — combined with her subtle narrative sleights of hand and her willingness to broach essential subjects like the fate of would-be migrants to the rich North — gives her fiction a rare integrity that shines through the sinuous prose.
Enfin, plus anecdotique, on citera aussi un petit article qui s’étonne de la colonisation croissante du français par l’anglais, dans les médias, en dépit de la réputation conservatrice des élites… (« trader », » working-girl » jusqu’au « it-bag » ou même « buzz » !).
« It’s not quite the French you learned at school, but more and more you’ll find such Anglicisms in France’s print media – despite its reputation of being more linguistically conservative than radio, TV, or the web. An increasing number of English words are being used publicly despite the best efforts of the Académie française. Since the institution started working on its latest dictionary in 1986, with words like jogging, blue-jean, or ketchup becoming kosher, the French media has incorporated many more English words and la deep ecology, le it-bag, and le buzz now feature on magazine. »
L’article attribue cette vague au développement d’Internet rendant plus accessible les sources anglaises et donc la pénétration du vocabulaire : « One of the reasons for this increase is access to the US way of life through the Internet by journalists who either don’t find a proper translation or deliberately use the original as it sounds plus in, for instance westernization rather than occidentalisation. Until recently, garçon manqué would have been preferred to tomboy. »
Mais qu’en est-il de l’effet l’inverse (pénétration de la langue française en territoires étrangers…) ?!
2 Commentaires
Lorsque je suis allée à New York, j’avais parfois l’impression d’être à Paris tant les rues pullulent de francophones. Parler français c’est très chic là-bas je crois !
Et il y a des plein de mots en français dans la littérature américaine et britannique…
Mon avis, très personnel, sur le pourquoi du manque de visibilité de la littérature française contemporaine (outre le fait qu’une des voies de domination des USA est d’imposer leur culture et leur langue (donc de négliger les autres)) est que notre littérature contemporaine est tellement empêtrée dans sa quête de « style » (à chaque fois que j’entends Djian sur le sujet je m’énerve) qu’elle en oublie les histoires, les personnages, le fameux ‘storytelling’. A trop « travailler » la langue, couper bizarrement les phrases, renier la grammaire, mal utiliser la ponctuation, on finit par ne rien dire ou par être quelque peu illisible (Chloé Delaume par exemple ou Bégaudeau) ou du moins confus…
merci de partager ton expérience « in vitro » 🙂
je partage ton avis concernant le peu de réceptivité des américains à la littérature française et/ou européennes en général…, plus orientée sur le versant intimiste ou « existentiel », comme l’avait dit une fois safran foer en la rapprochant d’ailleurs du travail d’auster par ex (qui marche bien malgré tout aux usa).
Au sujet des mots français dans la langue anglaise, en effet il n’est pas surprenant d’y retrouver malgré tout, même pas mal de notre vocabulaire, la langue anglaise ayant subie l’influence normande après celle des germaniques.
Toutefois en général, elle se réserve aux mots les plus soutenus/littéraires et non à la langue courante (et n’a pas, je crois, fait d’incursion notable depuis ce temps reculé, au contraire de l’anglais qui s’infiltre tjs un peu plus et vient même remplacer des mots usités pourtant depuis longtemps…)