Souvenez-vous, nous vous avions présenté en novembre dernier le blog de la « Caissière no futur », les anecdotes in situ d’une jeune caissière en activité qui témoignait sur son blog (à succès !) des réalités humaines de son métier mais aussi de sa condition de jeune diplômée (titulaire d’une DEA de Lettres) déclassée (même si son but n’était pas de le dénoncer). Depuis sa notoriété n’a cessé de grandir grâce à une forte médiatisation (plusieurs passages TV notamment) jusqu’à attirer l’attention d’un éditeur, les éditions Stock, qui publient ce mois-ci le livre (« document ») tiré de son blog. « Bienvenue dans l’univers fascinant des grandes surfaces, ce haut lieu de consommation » : Pour une fois, passez de l’autre côté de la barrière et découvrez le petit monde du supermarché à travers les yeux d’une caissière. » promet le pitch. Un nouveau blook (blog-book) français donc selon l’expression consacrée dont Anna Sam, l’auteur, a gentiment accepté de nous dévoiler les coulisses d’écriture :
Pouvez-vous nous expliquer comment s’est passé le passage du blog au livre ? Quelles ont été vos démarches ? Comment s’est passé la rencontre/le travail avec votre éditeur (aviez-vous essayé de contacter plusieurs éditeurs, etc) ?
L’envie de transposer ce blog en format papier m’a effleuré l’esprit au bout de quelques mois d’écriture quand j’ai vu l’intérêt qu’il commençait à susciter auprès des internautes. Du coup, en novembre dernier, j’avais envoyé quelques mails à des maisons d’éditions, mais ce n’était rien de très sérieux. J’ai eu un premier retour assez positif, même si ce contact n’a finalement pas abouti. Puis début décembre, un éditeur parisien a pris contact et nous avons longuement échangé sur l’avenir de ce blog, mon envie d’écrire et une possible vie de mes textes sur le papier.
Lorsque début janvier, la presse nationale a comencé à parler des « tribulations d’une caissière », plusieurs éditeurs se sont manifestés. J’ai pu alors avoir le luxe de choisir avec qui j’avais envie de travailler.
Mon choix s’est porté sur la maison d’édition Stock pour principalement deux raisons, d’abord parce qu’en tant que lectrice, j’apprécie beaucoup les livres publiés chez eux et en discutant avec mon éditeur, nous avions la même envie pour ce livre en devenir : en faire un texte aussi léger que le blog et ne surtout pas tomber dans la satire ou le pamphlet.
Comment s’est déroulée l’écriture ? Votre livre est-il une adaptation de votre blog, l’un a-t-il nourri l’autre et dans quelle mesure ? Combien de temps cela vous a-t-il pris et quelles ont été les difficultés ?
J’avais la matière première : le blog et toutes ces anecdotes racontées depuis plusieurs mois. Ceci dit, il n’aurait surement pas été question de faire un copier-coller des textes du blog, ceux-ci sont à mon sens, comme des textes bruts qui se lisent bien mais qui ne sont pas transposables tels quels vers un format papier. Un travail de réécriture et de remise en forme était nécessaire. Il y a également un certain nombre de chapitres supplémentaires, inédits, que je souhaitais traiter en format papier mais que je ne me voyais pas publier sur le blog.
Et puis, il fallait aussi trouver un fil rouge entre toutes ces histoires de caisse. Bien sûr, il y a un thème général, mais il était intéressant d’apporter une certaine progression dans le récit. Du coup, ce livre, c’est un peu comme une adresse à une caissière nouvellement emauchée. On fait le tour du magasin ensemble et on explique les dessous du métier.
Pour le temps d’écriture, ça a été un travail à plein temps pendant 3 mois. Les délais étaient courts mais le challenge était passionnant. Le défi principal a été de donner une homogénéité à tous ces textes et de parvenir à sortir de la description pour apporter un point de vue plus tranché. Heureusement, j’ai été aidée durant cette phase, une auteure de la maison d’édition m’a permis de beaucoup progresser en me soumettant des possibles réécritures, des points de vue différents, un rythme plus enlevé. Grâce à ses conseils judicieux, le livre apporte une grande valeur ajoutée par rapport au blog, il est beaucoup plus abouti. D’un côté, le blog et ses textes immédiats, ces instantanés de vie, de l’autre, le livre avec ses textes construits, réfléchis et un message plus fort.
Mais il n’a pas été facile de se remettre en question et de voir différemment les choses. À force d’écrire sur le blog, j’avais fini par perdre l’habitude d’être critique par rapport aux textes que j’écrivais. Au début, il n’a d’ailleurs pas été aisé d’accepter qu’on me dise que certains textes étaient complètement à revoir. Passé ce premier moment d’incertitude, quand je vois le résultat aujourd’hui, je suis très contente de tout ce chemin parcouru. Je suis très satisfaite du livre et lorsque je le relis, je me surprends à rire encore de certaines histoires.
Comment « résumeriez »-vous votre ouvrage tant en terme d’histoire que de genre littéraire ?
(pouvez-vous aussi préciser vos influences/goûts littéraires personnels aussi bien classiques que littérature contemporaine, anglaise et française si vous avez déjà lu des auteurs français)
On peut voir dans ce livre, un condensé de chroniques, de moments forts que l’on peut vivre dans un hypermarché côté caisse. Je n’aime pas trop quand on me dit que ce sont des « perles de caisse ». Si c’étaient des perles (comme les perles du bac), j’aurais eu l’impression de tomber dans une caricature de la société. Ce sont plutôt des moments qui m’ont touchée, révoltée, fait rire ou surprise, des moments que j’ai eu envie de partager. Pendant un temps, j’ai même pensé appeler ce livre « petit précis de caisse », je trouve que ça résumait assez bien le livre.
Pour ce qui est de mes goûts littéraires et influences, la question est délicate… Je n’ai pas un auteur fétiche dont je suis toutes les publications. J’aime me laisser porter par le hasard des rayons de la librairie et j’aime qu’on me conseille un livre où l’autre au détour d’une conversation. Par contre, j’ai une attirance pour tous les livres qui partent dans l’imaginaire. Pouvoir sortir du monde réel est un bon échapatoire à notre quotidien et se retrouver propulsé dans un univers créé de toutes pièces, voilà qui offre une perspective de lecture exaltante. Du coup, mon choix se porte assez souvent vers des romans de science-fiction, notamment (surtout ?) les romans d’Orson Scott Card que j’ai découvert il y a quelques années (La Terre des origines, La stratégie Ender), Arthur C. Clarke (Rendez-vous avec Rama) et la saga des princes d’Ambre de Zelazny m’ont laissé de grands souvenirs de lecture.
Du côté français, je ne vais pas être originale, mais la trilogie des Fourmis de Bernard Werber m’a, à l’époque de la sortie des livres, scotché derrière mon bouquin pendant des semaines.
Enfin, dans un genre un peu différent, j’ai une affinité avec les nouvelles de Jean Ray, auteur de fantastique belge (objet de mes mémoires de maîtrise et DEA au passage) où j’ai pu contempler son génie de création et recréation de ses nouvelles. Et tellement d’autres.
Dans un autre style, je suis une bédéphile, les albums s’entassent chez moi et la collectionnïte me guette… Encore une fois, c’est l’imaginaire qui prime.
Voir le blog d’Anna Sam : « Caissière no future / Les tribulations d’une caissière »
Remerciements à Anna Sam pour le temps accordé.
Photo : David Balicki
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