Olivier Adam situe son roman de la rentrée littéraire 2009 A l’abri de rien aux abords de l’ancien centre d’accueil pour immigrés de Sangatte. En dépit d’une chronique sociale un peu larmoyante, A l’abri de rien est sauvé par un portrait réussi d’une héroïne cassavetienne.
Le jeune romancier s’attaque à l’immigration clandestine et situe son dernier ouvrage aux abords de Sangatte.
La narratrice, Marie, y décrit la vie étriquée des classes populaires en périphérie urbaine, coincées entre les pavillons à la laideur banale, les zones commerciales à perte de vue et la litanie des jours tous semblables. Marie accepte mal d’être ensevelie vivante et s’apprête probablement à plonger dans une terrible dépression.
L’occasion lui est donnée de reprendre sa vie en main le jour où elle décide de s’occuper des « Kossovars », ces réfugiés (Irakiens ou d’Europe de l’est) qui tentent de rejoindre l’Angleterre et hantent cette ville du nord après qu’un centre d’hébergement (Sangatte donc) a été fermé par les autorités.
Alors qu’il est capable par ailleurs d’une belle retenue d’émotion, le livre n’évite pas un discours compassionnel qui reste souvent à portée de main: « Je pensais et à l’horreur de vivre comme ça dans la crasse le froid la rue et le regard des gens, la honte, la terreur (…) J’ai pensé à leurs visages à leurs voix quand ils chantaient tard dans la nuit, une fois les verres descendus et la chaleur montée, à leurs yeux aux mots qui s’échangeaient après chaque repas. »
Saccager sans le vouloir ni le refuser
Heureusement A l’abri de rien ne racontera pas la miraculeuse rédemption d’une femme sauvée par la découverte de la compassion. L’auteur privilégie le portrait de son personnage borderline. On pense parfois à un très beau film de Christophe Blanc Une femme d’extérieur avec Agnès Jaoui pour la déchéance aussi lente que certaine d’une héroïne qui finit par ne plus pouvoir articuler son mal être, le communiquer à ceux qu’elle aime.
Marie est une héroïne cassavetienne, son lyrisme démesuré excède tous les carcans sociaux qui nous protègent ordinairement de l’expression pur et simple de l’amour. Sa fragilité nous émeut autant qu’elle la blesse même si elle exprime simplement un désir de transcendance impossible à rassasier.
Devant cette misère atroce de clandestins livrés à la brutalité policière et au mépris généralisé, Marie va moins s’investir que se perdre dans l’aide de son prochain et saccager sans le vouloir ni le refuser les maigres protections mentales qui la maintenaient à flot. Colères retenues, effusions refusées, envies tenues sous le boisseau, tout finit comme emporté par le vent et la pluie du nord et c’est dans ce lyrisme mieux tempéré que le romancier donne le meilleur de lui-même.
Pour être à l’abri de tout, on peut choisir le déni complet , la dépression larvée ou la révolte en mode hystérique. C’est pourquoi personne n’est à blamer ou à encenser : ni le mari incompris qui fait ce qu’il peut, ni ces pauvres banlieusards qui n’ont plus que la liberté de mépriser plus pauvres qu’eux encore et surtout pas ces clandestins, ombres rejetées à la périphérie de la ville, de la vie et d’un roman qui lui non plus n’a pas su quoi faire d’eux.
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