Après une premier volume un peu décevant, Philippe Djian réussit avec la saison 2 de Doggy bag à intégrer complètement les codes de la série TV et fait peu à peu basculer la famille Sollens dans l’horreur. L’auteur de 37°2 le matin en profite pour améliorer un sens de l’intrigue qui n’a pas toujours été son fort.
C’était un peu la bonne idée 2005 : appliquer les codes de la série TV au genre romanesque. Quelques productions américaines – celles de HBO en tête – ayant redonné ses lettres de noblesse à un genre ringardisé, le projet Doggy bag avait tout pour séduire. Fan des Sopranos et de Six Feet Under, Philippe Djian se proposait donc d’écrire une série littéraire en six saisons.
Soit l’histoire des Sollens, belle famille de bourges qui a fait fortune dans l’automobile et composée de membres aussi détestables qu’attachants : un patriarche qui a rarement hésité dans la vie à dîner avec des politiciens pas clairs et à trousser leurs épouses, deux fils un peu partouzards et blessés au fer rouge par la femme qu’ils ont partagée 20 ans auparavant, et, au dessus de la mêlée, Irène Sollens, parfaite mater dolorosa qui tente de conjurer le mauvais sort et sublimer sa frustration sexuelle par ses dons faramineux à l’église du coin. Au menu : sexe, manipulations, malversations, cupidité, obsessions. Mais le déroulé un peu mécanique des événements et une écriture qui se cherche encore rendait ce premier opus un poil décevant. ce qui arrive même aux meilleures séries. Et on aurait tort d’en rester là.
Car après ce démarrage un peu timide, le tome 2 multiplie les rebondissements et nous entraîne quelques étages plus bas dans l’enfer. Autant Doggy bag 1 ne s’assumait pas totalement – moins bien écrit qu’un roman « classique » moins palpitant qu’une bonne série – autant cette fois Djian y va sans complexe : L’auteur de Vers chez les blancs réussit à lier ses marottes – les rapports sociaux quasi exclusivement envisagés sous l’angle sexuel, la sauvagerie latente des sociétés policées – avec les impératifs de la série contemporaine – comme ne pas hésiter à en rajouter des caisses et garder le basculement dans l’horreur à portée de main.
Un climax parfaitement maîtrisé
Djian en profite pour écrire en temps réel et caser des allusions à l’actualité récente – l’ouragan de la Nouvelle-Orléans ou le dernier album de Cat Power. Même si on peut juger sa démarche opportuniste, Phillipe Djian est le mieux placé pour inaugurer un genre où il exprime une force narrative qui manque à la plupart de ses romans. Plusieurs fois, l’auteur de 37°2 le matin a expérimenté avec plus ou moins de succès de nouvelles voies pour régénérer son sens de la fiction.
Cette fois l’imbrication des différentes strates de l’intrigue créent un véritable suspens et un climax parfaitement maîtrisé. Doggy bag devient une série littéraire et s’inscrit dans la droite ligne du feuilleton populaire publié dans les journaux du 19ème siècle. Comme eux, il n’échappera pas aux critiques habituelles faite à la littérature populaire. Mais Djian, qui a l’habitude des critiques de la République des lettres, s’en remettra. Le lecteur aussi, totalement happé qu’il est par une histoire rocambolesque et cette ambiance de fin du monde dans laquelle baigne cette ville jamais nommée en proie à d’inquiétantes inondations.
Et maintenant ? Que mijotent les pourris qui dirigent la ville contre lesquels les frères Sollens ont porté plainte ? David et Marc, vont-ils vraiment vivre la rédemption ou se laisser rattraper par leurs nets penchants à la luxure ? Et ces quelques taulards dont on apprend à la radio qu’ils se sont évadés du pénitencier local, vont-ils grossir les rangs des barges qui peuplent cette délirante saga?
Une partie des réponses à suivre avec la saison 3 !
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