Paru en 2011, Le Dernier Testament de Ben Zion Avrohom de l’américain James Frey, après le controversé Mille Morceaux et L.A Story, retrace le parcours d’un messie moderne et destroy dans le New York moderne, sous le visage d’un marginal alcolo, bisexuel, athé et miraculé d’un accident de chantier. En revisitant la bible, l’auteur raconte à sa façon décalée et trash une histoire de rédemption libertaire, loin de l’obscurantisme, qui a séduit Mélanie Laurent, la réalisatrice optimiste de « Demain » qui rêve d’un monde plus humain et solidaire. C’est au théâtre qu’elle s’essaie à ce pari audacieux de l’adaptation de ce conte mystique urbain (avec l’aide de Charlotte Farcet) :
Elle raconte que sa lecture de James Frey « a surgi comme un miroir, au cœur de [s]es propres inquiétudes, celles du devenir du monde, de la planète. »
Le livre a en effet soulevé diverses interrogations pour l’actrice réalisatice qui se sent préoccupée par le cynisme et la violence de notre société: « Je me suis demandée ce que j’aurais ressenti si j’avais rencontré Ben, si j’aurais cru à ses miracles. J’ai été très troublée parce que je ne m’étais jamais posé la question de la foi. James Frey lui-même est athée et pourtant il écrit comme un croyant. Cela m’intéresse de voir les réactions des gens. »
Pour elle, James Frey « donne à la foi un autre visage, celui d’une foi dans l’autre, dans l’acte individuel et dans sa puissance. » James Frey avait lui déclaré qu’il avait cherché à créer un « Dieu auquel il pourrait croire« .
Dans un New York contemporain peuplé d’âmes en détresse – femme esseulée adepte du music-hall, gogo danseuse sous crack et mère solo en galère ou agent du FBI désespérée par la mort du sien –, un nouveau messie illumine la vie de ceux qui le croisent par le simple pouvoir de son amour et de son esprit de tolérance. Son portrait trouble est brossé par les témoignages, tels des évangiles, de ceux qui ont été touchés par sa grâce. Est-il un Christ ressuscité, un manipulateur ou juste un fou épileptique ?
Il n’y a pas de parole de Dieu sur terre. Ou sinon, on ne la trouve pas dans les livres.
Alors où la trouve-t-on?
Dans l’amour. Dans le rire des enfants. dans un cadeau. Dans une vie sauvée. dans le silence du matin. Dans le bruit de la mer, le bruit d’une voiture. On la trouve dans n’importe quoi, n’importe où. c’est le tissu de nos vies, de nos sentiments, des gens avec qui nous vivons, des choses que nous savons être réelles. (extrait « Le Dernier Testament de Ben Zion Avrohom » de James Frey)
Pour Mélanie Laurent, le personnage de Ben est avant tout « quelqu’un qui ne juge pas les gens et qui leur redonne confiance. » Au cœur du roman, comme de son adaptation au théâtre, il s’agit donc avant tout de renouer les liens communautaires.
A noter que la pièce comporte aussi un emprunt à « L’espèce fabulatrice » de Nancy Huston dans lequel elle explique que l’humain se nourrit d’histoires pour conjurer sa mort et combler son besoin de fantasme d’où la plus grande histoire qu’on se soit inventée, Dieu.
« Le dernier testament » de Mélanie Laurent, du 25 janvier au 3 février au Théâtre National de Chaillot (2h15)
A lire aussi les chroniques: De « Mille morceaux » à « L.A Story »: James Frey, écrivain de la modernité et des névroses urbaines
Sources: interviews données au Point, Théâtral magazine, Trois couleurs.
Derniers commentaires