Il est temps de se remémorer l’oeuvre, « Nicolas Pages » de Guillaume Dustan qui doit se retourner dans sa tombe, alors que le débat sur la légalisation du mariage gay enflamme la place publique, donnant lieu à de tristes manifestations d’opposants… Inconstant, insolent, indécent, trash, anticonformiste, provocateur… autant de qualificatifs employés pour désigner cet enfant terrible des lettres parisiennes: Guillaume Dustan. Tout en s’autoproclamant « l’écrivain l’plus doué d’sa générosité », il déplorait amèrement son manque de visibilité dans les médias. Du moins dans « ceux qui comptent », répétait-il. Mais Guillaume Dustan, décédé à l’âge de 40 ans en 2004 d’une intoxication médicamenteuse, a-t-il été réellement un « oublié des médias » ?
Auteur : Guillaume Dustan
« Dans ma chambre » de Guillaume Dustan, La vie (homo)sexuelle de Guillaume D.
Dans ce premier roman, paru en 1996, intitulé explicitement « Dans ma chambre », (feu) Guillaume Dustan, écrivain gay revendiqué et prix de Flore 99, nous fait pénétrer dans son intimité érotique et majoritairement autobiographique. Lui-même définit cette œuvre d’autofiction comme son « autobiographie érotique sur fond de grégorien-rap, parce que quand j’écris, j’écoute Depeche Mode » (p.63). Ces confidences livrées à sa doctoresse sont les seules à illustrer son approche très personnelle de l’écriture. « Dans ma chambre » est un roman cru, direct, sur les us et coutumes, si l’on peut dire ainsi, du monde ou plutôt du ghetto gay auquel Dustan appartient dans les années 90. Sa confession intime nous dévoile une succession de scènes d’amour hard, clairement détaillées, sans affect ni recul. Une approche presque clinique et technique où le plaisir rime presque avec performance sexuelle et surtout liberté totale de « jouir sans entraves ». Avec pour background l’épidémie de sida qui décime son entourage, l’auteur-narrateur laisse apparaître au fil des pages un état psychologique plutôt désespéré et hanté par la mort.
De la littérature et des familles d’auteurs par Guillaume Dustan (extrait de Nicolas Pages)
Dans son livre « monstre » pratiquement inqualifiable (roman dans le roman, journal intime dans le roman, articles, thérapie, synopsis, délires hallucinés, colères et explosions euphoriques…) « Nicolas Pages », feu Guillaume Dustan, romancier engagé de la cause et de la culture gay mais egalement fou de littérature, redessine et re-analyse, a sa facon l’histoire de la litterature, ses mouvements et ses filiations, avec en outre son regard sur la litterature francaise. Des libertins au nouveau roman… Une vision iconoclaste a l’image de son auteur:
« Merde à la dictature du Vrai roman » par Guillaume Dustan (extrait de « Nicolas Pages »)
Dans son quatrième roman, « Nicolas Pages », récompensé par le prix de Flore 1999, Guillaume Dustan régle son compte aux préjugés sur l’autofiction. Qualifié par un critique « d’alter Angot », il notait alors : avec Christine Angot, « on ne nous aime pas. Parfois si, mais bon, localement, c’est plutôt la haine et le souhait de mort qui prédominent. Bon pourquoi ? Parce qu’on parle de notre vie, je pense. Si j’écrivais de la fiction, je crois qu’il n’y aurait pas ce truc. Je me révèle ». D’après lui écrire sur soi est en effet la seule façon d’atteindre une véritable profondeur littéraire. Sa thèse, même si elle peut sembler excessive, reste assez cohérente. Les journalistes (et lecteurs) ne posent-ils pas de façon récurrente la question de « la part autobiographique dans le roman » ? Cette recherche de justesse et de sincérité par l’implication personnelle de l’auteur dans ses écrits se retrouvent aussi dans les blogs qui rencontrent un large succès.
Derniers commentaires