Vanessa Springora est la première des adolescentes avec l’écrivain Gabriel Matzneff qui a pu faire entendre sa voix en écrivant dans un livre (Le consentement) sa version -bien différente- de l’histoire déjà narrée par son prédateur dans l’un de ses journaux (La prunelle de mes yeux, 1993). En 2019, le réseau d’influence de Matzneff n’avait …
Auteur : Gabriel Matzneff
Gabriel Matzneff et son obsession des « Moins de seize ans » (et « Le consentement » de Vanessa Springora)
Les moins de seize ans, le très controversé essai de Gabriel Matzneff est à l’origine de sa « réputation de débauché, de pervers et de diable », selon ses propres termes. Dans cet ouvrage publié pour la première fois en 1974*, (resté longtemps introuvable en librairie et ré-édité récemment en 2005 par les éditions Léo Scheer), il dépeint et explicite, avec beaucoup de lyrisme, son « idée fixe », son « obsession » : les moins de 16 ans, filles ou garçons. Les « gosses », « les momichons et les momichonnes », comme il les surnomme
« Cette camisole de flammes » de Gabriel Matzneff : journal d’un jeune-homme rebelle [1953-62]
L’adolescence, la jeunesse dorée sont des thèmes dont nous avons parlé en cette rentrée littéraire 2009. Ils sont aussi au cœur de ce premier tome des journaux, ses « carnets noirs » comme il les a baptisés, de Gabriel Matzneff. Un auteur aujourd’hui boycotté par les médias (mais bénéficiant toujours d’une communauté de lecteurs très active et du soutien de quelques auteurs contemporains) après un certain âge d’or dans les années 70-80. En cause sa pédophilie ouvertement revendiquée qui s’affirme déjà dans ce premier journal. Il est donc toujours difficile de lire Matzneff pour cette raison et encore plus d’avouer une admiration pour la force de son style ou de ses idées, sa liberté, ses obsessions… « Une œuvre qui suscite admiration et débat, scandale et fascination », comme le résume à juste titre son éditeur. Car si ses actes peuvent parfois révolter, on ne peut lui enlever le courage (ou l’inconscience ?) de toujours les assumer et de ne jamais rien renier (« Mieux vaut périr en restant soi-même que prospérer en se reniant… » écrit-il d’ailleurs en guise de philosophie de vie). Entre 16 et 25 ans, on retrouve en germe tous les thèmes qui habiteront ces futurs tomes (« A seize ans, j’étais pour l’essentiel celui que je suis aujourd’hui », écrit-il en préface). Sa noirceur peut-être à son paroxysme, sans cesse concurrencée par son appétit, son ardeur pour la vie et de ses plaisirs. Entre tentation du suicide et hédonisme. C’est le deuxième qui l’emportera. On dévore ce journal qui insuffle une énergie à la fois sombre et lumineuse : c’est d’ailleurs ce qui est étonnant chez cet auteur, sa personnalité à la fois angélique et perverse, « l’archange aux pieds fourchus » comme il a intitulé un autre tome de ses journaux. Oscillant en permanence entre la pureté par son goût de l’absolu et l’égocentrisme cynique.
Une œuvre « nocturne et solaire » qui doit faire taire, une bonne fois pour toutes les détracteurs du « nombrilisme » en littérature (expression qui ne veut rien dire et qu’il analyse d’ailleurs avec brio) mais qui n’est pas à mettre entre toutes les mains…
De la rupture de Gabriel Matzneff, Hommage à la « rupture féconde »
« De la rupture » de Gabriel Matzneff fait partie du volet des essais de l’auteur (qui en a écrit une petite douzaine, dont le très controversé « Les moins de 16 ans »). Publié en 1997, il aborde comme son nom l’indique le thème de la rupture au sens large, amoureuse principalement bien sûr mais aussi amicale, « matérielle » (aux objets, aux lieux) ou encore aux changement de vie (un goinfre se met à la diététique, un mondain entre dans les ordres…) jusqu’à la plus grande rupture, celle de la mort.
A propos d’un (premier) baiser : Nicolas Rey, Arnaud Cathrine, Niccolo Ammaniti, Anna Rozen, Lola Gruber, Jeffrey Eugenides, Matzneff, Fitzgerald, Bukowski, Djian, Sagan…
A l’occasion de la Saint Valentin, fête des amoureux, commerciale certes mais à laquelle on aime se prendre au jeu, Buzz… littéraire s’intéresse plus particulièrement au (premier) baiser, version littéraire. Celui sur lequel une existence peut basculer. Un homme, une femme, un premier rendez-vous et l’espoir brûlant de lèvres qui se scellent et se goûtent enfin. Mais avant ce baiser décisif, le prélude délicat et sensuel, hésitant, timide, maladroit ou au contraire fougueux, brutal… Des préliminaires qui s’éternisent parfois avant « d’oser » : Les écrivains « nouvelle génération » et leurs prédecesseurs nous offrent quelques belles scènes « d’avant baiser » et ses conséquences… Lyrique, blasé, émouvant ou poétique. Florilège :
Les auteurs et la tentation des adolescentes : le fantasme de « l’extrême jeunesse »
« Ce qu’il y a d’implacable dans les amours adolescentes, c’est qu’elles vous dégoûtent à jamais des autres. Lorsque vous avez tenu dans vos bras, baisé, caressé, possédé un garçon de 13 ans ou une fille de 15 ans, tout le reste vous paraît fade, lourd, insipide. Socrate éprouvait comme une secousse électrique au simple contact de l’épaule nue d’un joli gamin. Moi, les yeux fermés, je peux du seul bout des doigts dire si un sein, un ventre, un dos ou un mollet appartiennent oui ou non, à un être d’extrême jeunesse. Cette merveilleuse peau des moins de 16 ans, tiède, veloutée, lisse, parfumée, savoureuse, auprès de laquelle tout autre grain semble ou gras ou rugueux ou desséché. » Gabriel Matzneff, extrait de « Les moins de seize ans »
L’esprit Matzneff et les jeunes auteurs (Beigbeder, Nicolas Rey, L.Lanher etc.)
Dans les années 80, Gabriel Matzneff s’est fait le chantre des « amours mineures ». L’écrivain sulfureux était alors l’invité de tous les plateaux TV et prestigieuses émissions littéraires pour faire leur apologie et leur éloge. Démon pédophile (ou « philopède » comme il le fait dire à l’un de ses personnages), honteusement en liberté, immoral et pervers pour certains. Insolent magnifique, grand écrivain érudit, expert de littérature latine et fin analyste géopolitique pour d’autres. Aujourd’hui encore, son aura subversive touche (influence ?) de nombreux jeunes auteurs qui le citent régulièrement comme référence.
Ivre du vin perdu – Gabriel Matzneff : Pladoyer pour le souvenir amoureux
Quatrième roman de Gabriel Matzneff, publié en 1981, Ivre du vin perdu, dont le magistral titre est inspiré d’un poème de Catherine Pozzy,est un vibrant hommage et plaidoyer pour le souvenir et la mémoire amoureuse, à travers la voix de Nil Kolytcheff (double de l’auteur) qui reste hanté par sa grande passion amoureuse « Angiolina-Diabolina ». Adolescente de 15 ans, à la fois femme fatale et tyrannique, « rose sauvage » et « tendre démon ». Il s’élève ainsi contre « l’ostentatoire oubli de l’inoubliable » et le « génie amnésique des femmes » tout en reprenant ses thèmes chers, ses « idées fixes » comme il les appelle et qu’il chérit : la voluptuosité des « moins de 16 ans », la toute puissance de l’amour charnel, ses conquêtes multiples aux portes des lycées, l’éphémérité des sentiments, le mysticisme (religion orthodoxe), son obsession du « rester jeune » (par la diététique), ou encore la hantise du temps qui passe… Du jardin du Luxembourg à la piscine Deligny, ses terrains de chasse favoris… En dépit de l’abjectitude des pages consacrées au tourisme sexuel sur les enfants à Manille (« les plaisirs mercenaires », « la secte philopède » selon l’expression de l’auteur), ce roman, que Matzneff considère comme son plus accompli, confine souvent au sublime. En particulier lors des pages où il se remémore ses amours fous passés, « sa ferveur non pareille éprouvée pour cette Enfant ultime ».
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