Rentrées littéraires

Publications de septembre et janvier

Voici venir les rêveurs d’Imbolo Mbué: « Il se demandait souvent s’il valait la peine de quitter son pays pour partir en quête d’une chose aussi futile que l’argent. »

Voici venir les rêveurs (« Behold the dreamers » en VO, voir ci-dessous comment le titre a été retravaillé à des fins marketing*) d’Imbolo Mbué paru en France à la rentrée littéraire de septembre 2016, traduit chez Belfond. Le premier roman de cette américaine originaire du Cameroun (Limbé, émigré depuis une dizaine d’années) âgée de 36 ans est un petit phénomène d’édition puisqu’il lui a valu de signer un contrat d’un million de dollars avec Random House après une rude bataille à Francfort et de bénéficier en prime d’une belle recommandation de Jonathan Franzen* qu’elle adule et avec qui elle partage le même éditeur. Le Washington Post recommande même le livre et sa sagesse humaniste à Trump pour contrer sa xénophobie. De son coté Belfond la qualifie de « nouvelle voix afropolitaine« …

Contre-jour de Thomas Pynchon: Un contre-monde (rentrée littéraire 2008)

Septième ouvrage de l’une des plus grandes énigmes littéraires de notre temps, le Contre-Jour de Thomas Pynchon est un roman à énigmes justement, inépuisable, dans lequel on retrouve cette conscience sociale sans faille et chère à l’écrivain. Tous les genres littéraires y sont cultivés, exploités, détournés, pour prononcer une sévère condamnation de notre époque, toujours plus carcérale et politiquement corrompue.

Doggy bag 2 de Philippe Djian: analyse critique

Après une premier volume un peu décevant, Philippe Djian réussit avec la saison 2 de Doggy bag à intégrer complètement les codes de la série TV et fait peu à peu basculer la famille Sollens dans l’horreur. L’auteur de 37°2 le matin en profite pour améliorer un sens de l’intrigue qui n’a pas toujours été …

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« Marcus » de Pierre Chazal, « Parfois on tient, parfois on décroche. Ca dépend pas que de nous, mais il faut faire comme si. »

D’abord encensé et pressenti pour obtenir le Goncourt, le dixième roman d’Olivier Adam, qui dépasse pour la première fois les 400 pages, ne fait finalement pas partie de la prestigieuse sélection. Depuis, après de dithyrambiques premières critiques qui le considèrent, entre autres, comme « son meilleur roman social, affectif et générationnel. » (Le Monde), on lui reproche d’être trop dépressif ou « de tourner en rond »… Qu’en est-il vraiment ?

« La recherche de la couleur » de Jean-Marc Parisis : « Je n’avais pas échappé à l’étripage. Le syndicat du vagin m’était tombé dessus. »

jean-marc-parisis-recherche-couleur-rentree-litteraire2012.jpgOn avait quitté Jean-Marc Parisis en 2009 avec « Les aimants », un succès mérité ou encore « Avant, pendant, après » en 2007, deux romans explorant, avec sensibilité, la naissance et la fin des sentiments amoureux. En cette rentrée littéraire de septembre 2012, « La recherche de la couleur » creuse le même sillon, dans une veine plus rageuse et renoue avec la critique sociale de ses premiers romans, tout en fustigeant les femmes qui ont le mauvais goût de dépasser la quarantaine… Entre « tonton flingueur germanopratin », essai et ode romantique, un drôle de cocktail… :

« La théorie de l’information » d’Aurélien Bellanger : « J’ai songé à dédier mon livre à Wikipédia »

Après le succès de « La revanche d’un solitaire » (The social network) de Ben Mezrich adapté avec succès au cinéma par Fincher, on se demandait quel serait le Mark Zuckenberg français qui inspirerait un romancier ? Aurélien Bellanger répond à cette question en choisissant pour inspiration, le fondateur de l’opérateur télécom Free, Xavier Niel. En retraçant son parcours en près de 500 pages, le trentenaire tente de raconter notre histoire économique et sociale de ces dernières décennies et plus particulièrement la révolution numérique.
« Pépite » pour certains, trop « scolaire » ou « pensum ennuyeux » pour d’autres, « La théorie de l’information » premier roman d’Aurélien Bellanger, philosophe de formation et ancien libraire, divise la critique et fait le buzz en cette rentrée littéraire 2012. Le romancier qui avait l’ambition d’écrire un roman « balzacien » (rien que ça !) est aussi comparé à Houellebecq, dont il a d’ailleurs écrit une biographie. L’auteur partage d’ailleurs un point commun avec son idole : la fascination pour Wikipédia. Dans une intéressante interview, il explique d’ailleurs comment l’encyclopédie en ligne réinvente l’écriture romanesque :

« Trop intime » ou « Trop sociologique » : Olivier Adam raconte ses premières lettres de refus…

olivier-adam-interview-ecrivain-rentree-litteraire2012.jpg A l’occasion de la publication de son 10e roman « Les lisières » qui paraît en cette rentrée littéraire de septembre 2012, Olivier Adam revient sur son parcours d’écriture de près de 13 ans. L’écrivain réputé pour sonder à la fois l’intimité de ses personnages et les milieux sociaux, a confié qu’il s’était vu reprocher, par les éditeurs, cette double orientation à ses débuts. Alors que le débat entre littérature « intimiste » et « ouverte sur le monde » continue de sévir, son éclairage de romancier est particulièrement intéressant :

« Une femme avec personne dedans » de Chloé Delaume : Une coquille vide ?

A l’occasion de la sortie d »Une femme avec personne dedans », son 15e livre, Chloé Delaume multiplie les interviews (dont l’une avec François Bégaudeau et l’autre avec Claire Castillon, auteurs de la même génération),et mène une « politique » anti-enfantement assez active, se révoltant contre « la chair à marcher » que l’humanité ne cesse de (re)produire. C’est aussi, pense-t-on le thème central de son nouveau livre dont le titre y fait immanquablement penser… Ce qui est assez intriguant somme toute.

Rien ne s’oppose à la nuit de Delphine de Vigan : Généalogie des « impitoyables malédictions »…


Avec son nouveau et cinquième roman « Rien ne s’oppose à la nuit », Delphine de Vigan vient encore de rafler le prix de la Fnac en 2011, cette star de la rentrée les collectionnant depuis quelques années (prix Saint Valentin en 2006, des Libraires en 2008, du Rotary International et du roman d’entreprise en 2009). Avec un roman difficile sur le suicide de sa mère, elle ose aborder frontalement un sujet lui tenant particulièrement à cœur, et autour duquel elle n’a cessé de rôder finalement dans ses précédents romans

« Du temps qu’on existait » de Marien Defalvard : « Toute ma vie, j’ai traversé des paysages intérieurs » PRIX DE FLORE 2011

Le bouche à oreille et la curiosité s’enflamment autour du benjamin de la rentrée littéraire 2011 : Marien Defalvard ayant écrit son premier roman à l’âge de 15 ans. Une oeuvre étonnante, folle, flamboyante qui semble jaillir d’un autre temps, au langage précieux et érudit et à l’exaltation romantique qui peuvent dérouter ou au contraire émerveiller. S’agit-il d’un cheminement spirituel, d’une réflexion purement métaphysique ? C’est un roman où la mort et la vie se donnent la main en permanence, au gré des rencontres, des situations où l’amour se faufile partout où il peut :

« Les petits » : Christine Angot tente de dénoncer le matriarcat occidental…

« Style incantatoire », « syncope durassienne », « un portrait de femme ardent et dur » pour certains ou des « phrases fatigantes », « illisibles » pour d’autres : décidément Christine Angot ne fera jamais l’unanimité et son dernier roman « Les petits » paru à la rentrée littéraire de janvier 2011 n’échappe pas à la règle… Angot dérange, c’est un fait. Ce qui n’est pas forcément un défaut. Plus gênant elle agace, irrite même s’il lui a été reconnu dans ce nouvel opus un regard sociologique acéré et original. A travers le thème devenu classique de la désintégration d’un couple, elle ose explorer une problématique encore peu abordée : celui de la domination de la femme surprotégée par la machine judiciaire occidentale, parfois au détriment des hommes en particulier s’ils sont de couleur… Un parti pris audacieux, à contre courant du politiquement correct. Malgré cela Angot ne convainc malheureusement pas… et n’est pas à la hauteur de son sujet pourtant ambitieux :

« Sukkwan Island » de David Vann : « Survivre au rêve de son père » (prix Médicis étranger 2010)

Encore inconnu jusqu’alors et succès inattendu de l’année 2010, couronné du prix Médicis étranger, traduit dans 45 pays, le premier roman de l’américain David Vann fait figure de « miraculé » de l’édition. Après avoir mis 10 ans à écrire son roman (tiré d’une nouvelle) et encore 10 ans pour le publier, d’abord de façon inaperçue aux Etats-Unis avant d’être mis en lumière lors de sa traduction française sous l’impulsion des éditions Gallmeister spécialisée dans les romans des grands espaces américains, dits de « nature writing ». Dans la lignée de ces auteurs (avec pour chef de file un Jim Harrisson) qui font de la nature (hostile et grandiose) un personnage à part entière, mais également un miroir psychique des héros, David Vann a été salué pour son « anti-robinsonnade » où les aventuriers, un père et son jeune fils exilés dans une île sauvage de l’Alaska, vont se trouver peu à peu aux prises avec un véritable enfer mental. Comparé à « La route » de Mc Carthy, « Into the wilde » ou encore Hemingway, le texte sur l’impossible fuite de ses responsabilités a ainsi été salué comme un « huis clos mortel et envoûtant » à « la noirceur magnifique et angoissante », au « crescendo venimeux » ou encore de « cauchemar épais et angoissant »… :

« La confrérie des mutilés » de Brian Evenson : « Chair ou vérité ? Qu’est-ce qui compte le plus ? »

Publié dans la célèbre collection « Lot 49 » dirigée notamment par Claro (dont l’ambition est de « publier les écrivains d’aujourd’hui qui (…) bouleversent la donne du langage et l’équilibre chimiquement instable de la narration » et qui aura, entre autres, révélé en France Richard Powers, William Gass ou Vollmann…), Brian Evenson (également prof de « creative writing » et traducteur du français -Gailly, Claro…-) s’inscrit dans la lignée des « enfants terribles » de la nouvelle littérature américaine à la fois transgenre, paranoïaque, trash et déjantée (de Cooper à Bret Easton Ellis, Chuck Palahniuk jusqu’à Danielewski également poulain du Lot 49…). Remarqué tout d’abord par son recueil de nouvelles « Contagion » puis son roman « Inversion », cet ancien Mormon (répudié par sa communauté en raison de ses livres jugés amoraux) est hanté par l’oppression religieuse, la violence spirituelle, psychologique et sociale, la lutte entre le bien et le mal mais aussi la schizophrénie. C’est avec « La confrérie des mutilés », son 4e opus qu’il s’impose plus particulièrement lors de la rentrée littéraire de septembre 2008 (sorti en poche fin 2010). Entre le polar gothique, le roman d’horreur et la farce philosophique, ce roman a alimenté le buzz sur les blogs qui l’ont successivement comparé à Kafka, Borges, Jim Thompson ou encore Tarantino… :

« Naissance d’un pont » : L’affontement pacifique de Maylis de Kerangal (prix Médicis 2010)

Remarquée pour son recueil de nouvelles « Ni fleurs, ni couronnes » en 2006 puis surtout Corniche Kennedy en 2008 (sélectionné pour le Médicis ou le Femina), c’est finalement avec ce septième roman « Naissance d’un pont » que l’auteur de 43 ans et ancienne éditrice, passée par la revue « Inculte », sera consacrée (et couronnée du Médicis 2010) après avoir accumulé les louanges ces dernières années. On plébiscite de toute part son « exigence littéraire » et le travail d’orfèvre de son style aux longues phrases ciselées et poétiques, mais aussi la violence larvée qui l’habite. « Naissance d’un pont » qu’elle qualifie de « western technique » ou encore de « roman chantier », raconte, comme son titre l’indique, la construction d’un pont dans une petite ville californienne fictive. Un roman polyphonique dont l’ambition et l’ampleur ont été largement saluées. Un roman dit « à l’américaine » pour cette raison, influence que l’auteur, fascinée par la mythologie des grands espaces, revendique d’ailleurs. Roman architectural qui s’inscrit aussi en écho à l’effondrement des Twin towers et nous rappelle la précarité des constructions humaines aussi titanesques soient-elles…, comme l’a souligné Maylis de Kerangal :

« La carte et le territoire » de Michel Houellebecq : Retour au terroir… GONCOURT 2010

Malgré bien des tentatives de parasitage du livre (de la ridicule accusation de plagiat sur wikipédia au plus gênant emprunt de titre d’un livre non publié…), le dernier et sixième roman de Michel Houellebecq, en lice pour le Goncourt, fait une fois de plus l’évènement et s’attire de nombreux éloges. Comme dans les particules élémentaires, Michel Houellebecq nous retrace la trajectoire d’un homme dans son époque qu’il brocarde au passage. Après les bureaux froids des ingénieurs de la Défense, c’est la société du spectacle qu’il vise ici. La condition artistique et la fracture sociale et culturelle hexagonale. Un hommage à la France profonde et une satire de la France « bling bling » qui « gagne », par l’auteur expatrié en Irlande et aujourd’hui en Espagne. Un roman plus que jamais sociologique donc, nostalgique également, mâtiné de polar, mais qui s’enlise parfois dans une technicité indigeste… :

« Apocalypse bébé » : Virginie Despentes vire hyène de garde… Prix RENAUDOT 2010

Les années passent et Virginie Despentes à 41 ans ne perd rien de son énergie, fidèle à son univers dit trash, déjanté voire explosif ! Depuis le succès tonitruant de Baise-moi en 1993, l’auteur expatriée à Barcelone et récemment revenue à Paris, n’a eu de cesse d’inventer des héroïnes aussi sulfureuses que révoltées dans un monde misogyne et violent, des personnages à la dérive, extrémistes, prêts à tout pour s’en sortir… Deux ans après son essai féministe « King Kong théorie », pavé dans la mare qui a agité le débat et la fin du tournage de l’adaptation de son roman « Bye bye blondie », elle revient avec un titre qui révèle sa vision toujours aussi aiguisée et noire de notre société. Se disant inspirée par sa lecture de Roberto Bolano, l’auteur nous livre un thriller foisonnant en forme de road book, entre Paris et Barcelone, brodant toujours autour de ses thèmes phare : l’adolescence rebelle et fugueuse, la féminité, les ratés, les clivages sociaux, la sexualité aussi bien homo qu’hétéro…, mais aussi nouveautés les réseaux sociaux ou le milieu littéraire qu’elle brocarde allègrement… Mais quelques longueurs et caricatures homo-féministes nuisent au roman :

« A la folle jeunesse » : Que reste-t-il d’Ann Scott et des années techno ?

Que reste-t-il des paillettes une fois qu’elles touchent le sol ? C’est ce que raconte Ann Scott dans son nouveau roman « A la folle jeunesse ». Un roman sensible et trouble dans lequel l’auteur culte des années 2000 revient sur le retentissement littéraire de « Superstars » et tire le fil de ses errances des dix dernières années. L’excès de strass laisse parfois la désagréable impression d’un trou noir… Entre crise de la quarantaine et retour sur une jeunesse révolue à laquelle elle s’accroche toujours, Ann Scott, qui n’a pas réussi à renouer avec le succès depuis, tente une nouvelle fois de convoquer son livre phare (elle lui avait aussi donné une suite avec Héroïne en 2005) pour ranimer la flamme et alimenter son propre mythe… :

Rentrée littéraire 2010 : Trois jeunes auteurs racontent leur 1e publication… (Natacha Boussaa, Romain Monnery, Laurence Biava)

A l’approche de la rentrée littéraire de septembre 2010, partons à la découverte de trois jeunes auteurs qui font paraître leur premier roman. L’occasion de revenir sur leur parcours littéraire : de l’inspiration aux difficultés d’écriture jusqu’à la publication. Au menu : radioscopie des maux et des dilemmes de la génération précaire et désenchantée par un monde du travail qui n’offre guère d’épanouissement personnel. Natacha Boussaa revient ainsi sur les manifestations anti-CPE de 2006 tandis que Romain Monnery (alias l' »Intégriste » de Simone de Bougeoir pour les amateurs…) évoque la difficile adaptation d’un Bartleby moderne aux responsabilités d’adulte. Laurence Biava nous plonge quant à elle au cœur de l’amnésie et de la folie dans un « hommage beigbedérien inversé »… :

« Exit le fantôme » de Philip Roth, L’adieu à Zuckerman manque de structure

Pour la neuvième fois, Philip Roth fait réapparaitre son double Nathan Zuckerman, dont le cycle débute avec L’Écrivain des ombres (Ghost Writer, 1979) et s’achève avec Exit le fantôme en 2007 (traduit en VF en 2009, au titre emprunté à Shakespeare). Cet écrivain fantoche, cet écrivain des ombres, ce romancier de papier fourre-tout, ce VRP multicartes littéraires, fait, depuis plus de trente ans à la fois figure d’alter égo, de double littéraire et de porte-parole, tantôt personnage central, tantôt second rôle, tantôt masque vénitien, assimilé à toutes les causes, se targuant de réaliser toutes les plaidoiries des sujets qui occupent l’esprit de Philip Roth. A chaque fois, on a le sentiment d’assister à une méditation cruciale chez l’écrivain américain. Ce Zuckerman, on le dirait dévolu, assujetti à la soumission des interrogations politico-existentielles ou sociologiques des séismes individuels et collectifs subis ou provoqués par l’Histoire américaine. Ici, à regret, il se décide à abattre les cartes et se retire de la scène, devenu « un vieil homme tourmenté par la perte de ses moyens et la peur de voir disparaître ses proches. » Plusieurs romans de Roth retracent un épisode de l’existence fictive de cet écrivain new-yorkais Zuckerman. Dans « La Tâche »*, l’un de ses meilleurs, sa trajectoire est autrement plus aboutie, férue, construite que dans ce roman-ci qui embrasse tant de thèmes, d’impressions et d’enjeux qu’il ressemble, à s’y méprendre, à un épilogue littéraire. Est-ce réellement la dernière apparition de Zuckerman ? Dommage. On en aurait préféré une autre, d’une autre envergure.