Depuis près de 15 ans, David Foenkinos, l’auteur de Charlotte (vendu à près d’un demi-million d’exemplaires, prix Renaudoit et prix Goncourt des lycéens), trace son sillon, passant avec un succès croissant du registre loufoque/absurde à l’intimiste ou le tragique, mais aussi derrière la caméra à l’occasion avec son frère directeur de casting (cf: l’adaptaion d’un autre de ses succès La Délicatesse -vendu à plus d’1 million d’exemplaires- en 2011). Ecrivain prolifique, toujours un livre en tête, il livre les coulisses de sa routine d’écriture, ses débuts dans l’édition et sa vision de l’écriture romanesque :
Être écrivain c’est être obsessionnel et libre.
Ses débuts dans l’édition et la gestion des refus
J’ai envoyé un roman en 2001 à 5 maisons d’édition. Et les quatre premières ont refusé avec des lettres types. Trois ou quatre mois après ces refus, j’ai reçu un appel du comité de lecture de Gallimard. J’ai cru que c’était une blague, j’avais totalement oublié que Gallimard pouvait encore me répondre ! Je m’étais dit qu’il n’avait simplement pas pris cette peine. Six mois plus tard j’ai été publié. Mais en 15 ans, j’ai connu des hauts et des bas.
L’écriture de son premier roman
J’ai écrit beaucoup d’ébauches avant de commencer mon 1e roman. C’est difficile de savoir quand et comment, car il est la somme de tous mes romans ratés de jeunesse.
Aujourd’hui avec le recul, je le trouve trop fou, et bordélique. Et il y a trop de phrases. Trop d’envie de bien faire.
Sa routine d’écriture
J’adore écrire. En général j’écris une première version d’un roman en quelques mois avant de la soumettre à mon éditeur, Jean-Marie Laclavetine. Il me faut aller au plus vite possible au bout de l’ossature parce que je ne peux pas rester en suspens de mon histoire trop longtemps. Une fois que j’ai ce squelette, je suis soulagé de ce qui compose l’histoire. Lorsque mon éditeur me dit que je tiens quelque chose, que cela vaut le coup de s’acharner, alors s’enclenche une seconde phase, de ré-écriture, que j’aime beaucoup, où il s’agit de peaufiner jusqu’à l’épuisement la psychologie et l’écriture.
Trouver l’inspiration
J’aime être complètement déraciné, ce qui signifie parfois ne même pas savoir où je suis. Le mieux, pour cela, c’est le train. Il peut m’arriver d’accepter des signatures dans le sud de la France ou en Suisse pour le simple bonheur d’être en mouvement et de pouvoir écrire. Surtout, j’ai souvent le sentiment d’écrire même quand je n’écris pas. C’est quelque chose qui vit de manière souterraine, en permanence. C’est d’ailleurs ce que je préfère, cette idée que, quand tu démarres un roman, quelque chose se met en place en toi, un petit monde qui va t’accompagner jour et nuit. J’ai vraiment eu ce sentiment-là avec La Délicatesse notamment : l’impression de simplement retranscrire quelque chose qui avait été fomenté dans mon esprit à mon insu.
J’ai un goût incroyable pour le train et l’écriture dans le train. Quand on ne sait pas trop où l’on est, ça libère l’imagination. C’est le meilleur moyen de ne pas être parasité par la vie quotidienne, d’être libre dans son esprit.
Comme les livres sont centrés sur les détails, je dois être très observateur. J’aime bien décortiquer les moments, me demander ce qu’il y a d’intéressant dans chaque instant. Je prends des notes tout le temps dans un petit carnet.
Je me connecte chaque jour à cette chance qu’est la liberté totale de pouvoir créer ce que je veux. Je n’ai aucune contrainte, je n’ai pas de patron, je n’ai pas peur d’avoir moins de lecteurs – je pense que je l’ai prouvé avec Charlotte. J’essaie d’être le plus honnête possible avec ce que je ressens, et ce que je ressens est changeant.
Définir le plan du roman ?
C’est très difficile de définir un cadre général, chaque roman a été écrit avec une énergie différente. Il y a des romans où j’ai un plan établi, où je sais où je vais, d’autres où mes personnages partent à l’aventure. Il faut respecter la pulsation intérieure d’une histoire. Pour Charlotte je voulais tout faire pour qu’on oublie pas l’artiste, pour qu’on découvre ce qu’elle avait créé dans des conditions si difficiles. D’autres livres comme Je vais mieux par exemple ont peut-être été écrits uniquement dans le but de divertir. Dans le mystère Henri Pick, je souhaitais parler des artistes incompris, des écrivains qui n’arrivent pas à publier…
Quand on vit avec un roman, c’est comme si on vivait 2 fois. C’est une vie parallèle, donc une vie encore plus stimulante.
Les difficultés de l’écriture
Ecrire, ça veut dire s’acharner, ça peut vous rendre malheureux, ça peut vous rendre irascible (…) la plus grande entreprise cyclothymique qui puisse exister. On passe par des hauts qui sont souvent des soulagements d’avoir réussi à écrire ce qu’on voulait écrire, et des bas, quand on ne sait pas si on ne va même pas rebrousser chemin, abandonner le livre.
C’est étonnant parce que c’est à la fois beaucoup de travail et beaucoup de réflexion, et en même temps il faut attendre que quelque chose arrive. C’est comme être sur le quai d’une gare et attendre que le train arrive.
Trouver le temps d’écrire
« Quand on est obsédé par l’écriture, on trouve le temps et ce n’est pas parce qu’une personne a subitement du temps dans sa vie qu’elle va se dire qu’elle va se mettre à écrire. Quand on la nécessité d’écrire, on dégage du temps, quitte à faire des sacrifices. »
Trouver son style
« J’aime raconter des histoires mais je crois qu’on ne peut pas résumer la littérature à cela. Sinon j’aurais aussi vite fait d’écrire un scénario. La chose la plus vitale, la plus excitante aussi pour un romancier, ça reste l’écriture, ça reste le style, la façon d’agencer les phrases et la vision du monde. Je n’ai aucun problème avec l’idée qu’on puisse ne pas aimer mon travail, en revanche je souhaite que, lorsqu’on lit un de mes livres, on sache qu’on est avec moi.
Une part de notre style provient de notre singularité, de ce qu’on est profondément. Mais on peut travailler un rythme, une façon d’approcher le texte, comme lorsque j’ai commencé à écrire des chapitres très courts, par exemple, ou à mélanger des anecdotes littéraires dans La délicatesse ou des souvenirs dans Les souvenirs. Je pense que l’agencement même d’une histoire fait partie du style, du rythme, du mouvement propre d’un auteur. »
Clôturer son livre
« Quand j’écris un livre, je sais à peu près où mon histoire va prendre fin. Quand j’écris La Délicatesse, je sais que c’est l’histoire de la renaissance d’une femme. Dans Les Souvenirs, c’est l’histoire d’un jeune-homme qui va commencer à écrire et qui, pour cela, doit accumuler la mélancolie nécessaire pour se lancer. D’une manière étrange, j’ai l’impression que mon roman est terminé quand mes personnages sont capables de vivre sans moi. »
Influences littéraires de David Foenkinos
« Mes premiers livres ont pu être influencés par Cohen ou par Gombrowicz. Houellebecq m’a aussi beaucoup marqué dans l’écriture. Il fait partie des rares auteurs qui ont un degré de puissance littéraire tel qu’ils gèlent les autres écrivains, comme si leur génie délimitait l’espace des autres. »
Vous venez de mettre le point final à votre manuscrit ou vous accumulez les lettres de refus des éditeurs sans en comprendre les raisons ? Notre collectif de lecteurs d’édition met à votre service ses compétences pour vous aider à publier ! |
Sources : Lire (avril 2016), Huffingtonpost (2012).
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9 Commentaires
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Quelle générosité dans ce partage de l’inspiration et de la démarche de l’écrivain…
Auteur
Oui Anne, c’est toujours intéressant de découvrir les coulisses de l’écriture d’un écrivain et qu’il accepte de les dévoiler 🙂
Merci pour cet article inspirateur.
J’espère pouvoir achever un de ces multiples projets d’écriture que je ne cesse d’entamer…
Auteur
Vous souhaitant d’y parvenir, encore un peu d' »acharnement » ! 🙂
Merci Alexandra pour les encouragements.
Si vous permettez je veux bien traduire à l’arabe un de vos articles intitulé » le meilleur des mondes d’Aldous Huxly: un monde sous conditionnement pour un civilisation zéro défaut ». Alors je me demande si ça sera possible?
Auteur
Je vous en prie.
Concernant la traduction de mes articles, si la diffusion n’est pas publique sur Internet mais uniquement dans le cadre privé d’une classe par exemple c’est d’accord en mentionnant la source et l’auteur. Pour toute diffusion publique sur Internet ou tout autre média, cela ne sera pas possible en revanche. Les articles sur Buzz littéraire ne sont pas libres de droit. Merci de votre compréhension et de votre respect de travail fourni.
Je voulais bien le publier sur un journal electronique « sasapost » tout en mentionnant bien entendu la source et le nom de l’auteur.
Si vous savez combien de jours j’ai fait pour l’achever. Si vous pouvez me le permettre cette fois seulement … je vs en prie.
Auteur
C est OK pour cette fois à titre strictement exceptionnel svp, en mettant le lien vers l article original.
Les articles sur Buzz littéraire sont protégés par les droits du copyright, ils ne sont donc pas libres de droit. De ce fait, il n’est pas possible de les traduire pour les publier ailleurs ou des les réutiliser sur un autre support public qu’il soit en ligne ou non. Chacun est libre d’accomplir un travail de critique littéraire et de publier son propre travail sur son site. Comme le dit David Foenkinos « Ecrire c’est s’acharner » 🙂 donc à chacun de prendre le temps d’écrire ses propres critiques et de produire son propre travail et ses propres pensées, comme je l’ai fait, ce ce qui sera au final bénéfique au plus grand nombre.
Merci de votre compréhension.
PS : je clos les commentaires sur ce sujet qui n’a pas de lien avec l’article ci-dessus afin de garder une cohérence dans les commentaires en rapport avec les articles concernés.
Merci infiniment pour votre compréhension.
Si vous pouvez me donner des infornations à indiquer concernant l’auteur.
Encore merci pour votre collaboration.