Dans son très bon roman « Celle que vous croyez » paru à la rentrée littéraire de janvier 2016, Camille Laurens continue d’explorer la façon dont Internet et ses réseaux sociaux (notamment Facebook) modifie les comportements amoureux et notamment ses effets pervers. Elle livre ainsi une belle analyse et description du phénomène de traque ou de filature dans laquelle les amants éconduits peuvent s’abîmer dans une quête désespérée de l’autre, maintenant ainsi une illusion de fausse proximité et trompant leur solitude pathétiquement…:
Internet est à la fois le naufrage et le radeau : on se noie dans la traque, dans l’attente, on ne peut pas faire son deuil d’une histoire pourtant morte, et en même temps on surnage dans le virtuel, on s’accroche aux présence factices qui hantent la toile, au lieu de se déliter, on se relie. Ne serait-ce que la petite lumière verte qui indique que l’autre est en ligne ! Ah ! La petite lumière verte, quel réconfort, je me souviens ! Même si l’autre vous ignore, vous savez où il est : il est là, sur votre écran, il est en quelque sorte fixé dans l’espace, arrêté dans le temps. (…) Vous pouvez alors l’imaginer chez lui, devant son ordinateur, vous avez un repère dans le délire des possibles. (…) vous savez à quoi il est occupé, en tout cas vous en avez la sensation – une sorte de proximité qui vous calme. Vous supposez que si ce qu’il est en train de faire lui plaisait, il ne serait pas connecté toutes les dix minutes. Peut-être qu’il regarde ce que vous faites, lui aussi, caché derrière
le mur ? (…) Vous écoutez les mêmes chansons que lui, presque en temps réel, vous cohabitez dans la musique, vous dansez même sur l’air qui lui fait battre la mesure. Et quand il n’y est pas, vous le suivez grâce à l’indication horaire de sa dernière connexion. Vous savez à quelle heure il s’est réveillé par exemple (…). A quel moment de la journée ses yeux se sont posés sur telle photo qu’il a commentée. S’il a eu une insomnie au milieu de la nuit.
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