Interview d’Olivier Adam (2004): « La nouvelle vous demande de travailler sur des points de bascule, des moments cruciaux »

Olivier Adam fait un peu figure d’Ovni dans le paysage littéraire des trentenaires parisiens.
A tel point qu’il nous raconte qu’au cours d’une photo pour l’hebdo Paris-Match avec ses confrères écrivains parisiens, on lui demanda s’il « venait de Province ». Pas assez mondain Olivier ? « L’endroit le plus huppé que je fréquente c’est ce bar », nous avoue t’il avec un plaisir non dissimulé, en désignant le Café qu’il a choisi pour cette interview : le Café Turgot, dans le 9e arrondissement. Son repaire, juste à côté de la rue où il vit.
Nicolas Rey a été un des premiers à défendre ses livres bien que leurs univers soient assez éloignés mais leurs influences communes.

olivier adam interview 2004 passer hiver

Rencontre avec ce mystérieux écrivain, « aux yeux lavés par la lumière », et à la plume qui fait naître des phrases dont la mélodie vous poursuit longtemps… longtemps.

Date de l’interview : Août 2004

Pourquoi avez vous fait le choix de la nouvelle dans Passer l’hiver, votre dernier livre ? Etait ce plus simple à écrire qu’un roman ?


En fait, je ne me considère pas comme un nouvelliste. Il ne m’arrive pas d’écrire une nouvelle décontextualisée. Je n’écris jamais de nouvelle « seule ». Chacun de mes livres a sa forme. « A l’ouest » (son premier roman ndlr) était un livre à trois voix. Poids léger, un livre à une voix. Sur Passer l’hiver , j’avais l’idée d’un livre « en coupe latérale », de différentes voix. Mais c’était le paysage final créé par ces histoires autonomes qui m’intéressait. Comme un tableau, fait de neuf images différentes, qui en formerait une dixième, la principale en fait.
J’avais l’idée d’un roman polyphonique. Un roman à neuf voix avec une thématique commune. Toutes les nouvelles se déroulent la nuit, l’hiver. Il y a une récurrence du thème, des motifs mais je les ai totalement désolidarisés, pour que ce soit le plus limpide et clair possible. Au début, j’essaie toujours de me mettre un peu des béquilles formelles, je suis toujours assez angoissé au début d’un nouveau livre. Puis je les explose à la fin. C’est un livre qui a eu beaucoup de versions.
Donc finalement c’est plus un roman de nouvelles que des nouvelles…

Le genre de « la nouvelle » présente tout de même des spécificités que n’a pas le roman.

La difficulté, mais je l’avais aussi sur Poids léger (son second roman ndlr), c’est que la nouvelle vous demande de travailler sur des points de bascule, des moments cruciaux. Il n’y a pas de moment de transition, pas de moment d’exposition. L’idée de Poids léger par exemple était que tout ce qui allait arriver au héros (un jeune boxeur ndlr) allait être un coup en plus à endurer et donc un moment de bascule aussi. J’ai donc été confronté à la même recherche d’intensité scène par scène, tableau par tableau dans « Passer l’hiver » que dans « Poids léger ». C’était difficile ensuite d’en faire un livre. J’étais d’ailleurs persuadé qu’il ne formait pas un livre, que ça manquait d’une forme générale.

Vous ne semblez pas aimer la nouvelle pour elle même ?

Je ne suis lecteur de nouvelles que si ça fait un livre. Par exemple, Les vitamines du bonheur de Carver, ce sont des nouvelles, libres, mais à la fin ça fait un livre que je trouve somptueux et fort. J’aime pas trop les nouvelles hétéroclites, qui jouent la carte du recueil. J’aime qu’il en surgisse un livre cohérent global, au final.

Je n’aime pas non plus les « nouvellistes marionnettistes » : la nouvelle ça peut vite faire genre « Regardez, je sais tout faire » : à cette nouvelle, je vais vous faire ça, la suivante je vais vous faire ci. Ca peut devenir un truc de virtuosité, d’exercice de style, qui me plaît pas beaucoup.

Du côté de vos sources d’inspiration, les textes et mélodies de Dominique A tiennent une grande place.

Il fait partie de ces quelques artistes avec lesquels j’ai eu « un avant » et « un après ».
Au même titre que Carver ou Pialat. Ils bousculent toujours quelque chose dans mon écriture et ensuite des portes s’ouvrent. Dominique A a ouvert une brèche, comme Murat avant ou Bashung.

« Carver m’a appris la manière de placer le regard au ras de mes personnages. Trouver ça chez lui, ça a affirmé quelque chose chez moi. »

On vous compare aussi volontiers à Carver.

J’en suis très flatté. Carver est un de mes maîtres. Quand je l’ai découvert, j’avais l’impression qu’il avait écrit ses livres pour moi. Il y a quelque chose qui se joue au delà de la littérature : sa façon d’explorer tel type de personnage, ou tel sentiment.

Vous approuvez la comparaison ?

Disons qu’on me compare souvent à Carver pour des raisons sociologiques, dans le choix des personnages, parce que serveur, parce que station service.Comme lui, j’exclue la bourgeoisie. On va aller chercher la boulangère du coin, le chauffeur de taxi. A ce compte là, on pourrait me rapprocher de plein d’écrivains américains.
La littérature française est une littérature bourgeoise. C’est une hypocrisie sociale parce que c’est sale de tremper ses doigts dans le social. « C’est pas beau ».
Et puis en France on compare toutes les trois secondes un écrivain à Carver (cf : Anna Galvada lors de la sortie de « J’aimerais que quelqu’un m’attende quelque part »).

Vous vous intéressez plus à la « France d’en bas » que la « France d’en haut » ?

Rires. Je sais pas ce que ça veut dire ces deux expressions là, et je les aime pas beaucoup.
Et en admettant qu’elles aient une réalité. Je la connais pas de toute façon la France d’en haut.
Le mec que je connais qui a le plus de pouvoir c’est mon éditeur (le directeur des éditions de l’Olivier et désormais du Seuil). Je ne me suis pas mis là dedans par opportunisme mais parce que c’est la vie que je connais, les gens qui m’ont fait grandir, que je fréquente. Je serai bien en peine d’écrire sur les jeunes artistes, les jeunes pubeux.

Que vous a apporté Carver du point de vue de votre écriture ?

Carver m’a appris la manière de placer le regard. Contrairement à beaucoup d’écrivains, c’est jamais cynique, jamais ironique, à hauteur du personnage. Proche d’eux avec une compassion. Il parvient à éviter le pathos tout en restant fraternel. Trouver ça chez lui, ça a affirmé quelque chose chez moi. Autre chose très à la mode : le second degré, l’ironie, la distance. Tout ça, très peu pour moi.
C’est une pose, des artifices. J’en utilise beaucoup des artifices mais pas ceux là !
Pour des raisons politiques, idéologiques, personnelles, littéraires, je suis incapable de faire ça.
J’ai pas envie de rentrer dans ce jeu de froideur.
Par exemple Jauffret, ou même Roth, dont j’admire le travail, ont vraiment une distance clinique, très froide, même un peu haineuse. Ils renvoient toujours les personnages à leur médiocrité, à leurs vanités. Moi j’ai tendance à être avec mes personnages de plain pied. C’est en ça que je me réfère à Carver comme un maître.

Vous citez cette très belle phrase extraite du film « A nos amours » de Pialat (et elle même empruntée à Van-Gogh) « La tristesse durera toujours ». Qu’est-ce qui vous touche dans cette phrase ?

Cette alliance de fatigue et tristesse me touche beaucoup. Cette nouvelle (Pialat est mort) n’est pas autobiographique du tout mais elle a une résonnance autobiographique, dans le sens où j’ai commencé à écrire ce livre le soir de la mort de Pialat.
Je savais alors ce que je voulais faire : j’avais les ambiances, les métiers, qu’il y aurait neuf textes, comment ils résonneraient. C’était l’hiver, on avait commencé l’appéro un peu tôt. J’étais un peu éméché. Et là, à la télé, aux infos, on annonce la mort de Pialat. Je suis pas midinette pour un sou mais il y a des gens comme ça (quand Bourdieu est mort ça m’a fait un peu la même chose) qui sont un peu des phares.
Il faut pas y entendre un truc de cinéphile. J’habitais en banlieue. Au cinéma il n’y avait que les blockbusters américains. Donc la première fois que j’ai vu un film qui m’a semblé être un film, une oeuvre d’art c’était Pialat. J’aimais bien Dutronc, je suis allé voir ce film, mais je ne savais même pas qui était Pialat ou même ce qu’était le cinéma d’auteur. Mes copains allaient voir SOS fantômes et écoutaient Madonna.

Le cinéma, mais aussi la musique vous nourrissent.

J’écris à l’oreille. La question sonore est très importante. Par exemple le texte que j’ai écrit pour Dominique A, c’est la chanson d’un groupe qui s’appelle Mendelson, que j’ai traduit. Je raconte la même histoire. J’ai accédé à la puissance du langage, de la langue écrite par la chanson.
Les premiers auteurs que j’ai découverts étaient des chanteurs : Barbara, Brel, Bashung, Léonard Cohen. Après des connexions se sont établies avec la poésie, assez naturellement. C’était d’abord ce travail pur de la langue pour la langue, de la texture des mots, la sonorité, le laconisme, le côté ramassé. J’ai commencé par écrire des chansons. Mais je sentais que je n’étais pas fait pour ça. Je trouvais ça très sclérosé avec trop de contraintes. Puis je suis passé à la poésie, au vers libre. Et enfin est venu le besoin de raconter des histoires.

J’avais envie de voir où se nichait cet espèce d’instinct de survie.

Vos personnages remettent tout en question : leur vie sentimentale, professionnelle.

Dans tout livre, il y a deux choses : la nécessité d’un élément excessif ou radical qui doit être au cours du projet. et des moments de bascule, des gouttes d’eau qui font déborder le vase, des failles. Les livres sont faits pour les explorer.

Ce qui vous intéresse, c’est la façon dont ils encaissent les coups ?

Oui. mais aussi la façon dont ces coup surviennent et la façon de ne pas les encaisser aussi.
C’est très adolescent mais tous les matins je me lève et je me demande mais qu’est ce que je suis en train de faire de ma vie, dans quelle chaîne, je suis pris. où j’en suis. Pourquoi je fais ça et pas autre chose. C’est la nuit, et tous mes personnages sont insomniaques, ils sont tous dans une situation de fragilité extrême. A la fois très banale, tous à leur niveau.

La question de "comment on encaisse les coups et comment on se relève" me paraît mystérieuse et passionnante. J’avais envie de voir où se nichait cet espèce d’instinct de survie. Parfois on pense ne pas pouvoir en encaisser un de plus et finalement on y parvient. Ce n’est pas un instinct bestial, animal, je le vois plutôt comme quelque chose de touchant, de poignant.

Cela me faisait penser à Beckett ?

J’aime beaucoup Jacques Serena, un grand Beckettien, qui commence toujours ses livres à partir du moment où tout est foutu, où tout est advenu d’avance. Mais ça n’empêche rien et encore
heureux ! C’est juste un point de départ. Ca fait renoncer à beaucoup de choses : l’équilibre personnel, la construction. Mais ça ne m’intéresse pas. Ce qui m’intéresse c’est le truc qui fait qu’on veut vérifier à chaque fois si on est encore vivant. Ce qui est au cour du livre, c’est comment ils font front, comment ils font face pour les leurs.
J’ai une fille qui a 2 ans et j’ai beaucoup ressenti cette nécessité. Tirer sa révérence est toujours possible, faire le con est toujours possible mais dans certaines situations, à un moment donné, il faut au moins faire semblant de tenir debout, pour sa fille par exemple. Mes personnages font tous ça.

Les enfants sont justement les soleils de chaque nouvelle.

Mes personnages sont beaucoup dans la consolation enfantine. Les baisers sont des baisers d’enfants. Leur sexualité n’est pas une sexualité "de développement personnel" ou de jouissance extatique. Ce qui leur reste à chaque fois, c’est une forme d’étreinte. Une consolation dans l’étreinte. Une espèce de fond de tendresse consolateur.

Ces personnages ne croient pas à grand chose, ils ont peu de liens sociaux, des métiers qui les ennuient. Donc j’ai essayé de m’interroger sur leur dernier lien. Et le seul lien qui leur reste, c’est leur enfance et leurs enfants.

Il y a tout de même un personnage qui fuit au Portugal (En douce) ?

Oui bah lui, il est attaché à rien justement. Il se barre. Dans mes 3 livres précédents, les gens cédaient à la tentation de tout envoyer valser. Dans La messe anniversaire (livre pour adolescent aux éditions de l’Ecole du Loisir ndlr) et dans Passer l’hiver, c’est plutôt l’inverse : ce sont des gens qui malgré tout s’accrochent. Ce personnage fuyant est justement une figure qui se rattache plus à mes précédents romans, une résurgence des instincts profonds.

Vous évoquez la Messe anniversaire, un livre écrit pour les adolescents. Quel est votre rapport à cette littérature ?

J’ai découvert que littérature pouvait rimer avec jeunesse. Elle a été développé par Geneviève Brizac qui a créé "Page blanche" chez Gallimard. Elle a aussi dirigé L’école des loisirs, et a publié des gens comme Christophe Donner, Marie Desplechin, Arnaud Catherine, Christophe Honoré . Ils ont déniaisé le genre.
Ils m’ont fait découvrir un continent inexploré. Je me suis dit que si j’avais eu ces livres là quand j’étais ado, ça aurait changé ma vie. Ça aurait été des forces de consolation. On peut tout lire à 14-15 ans mais il est bien qu’il y ait une littérature d’identification. On aime bien de temps en temps avoir une littérature qui entre en écho avec un âge très spécifique.

Les ados et les profs ont une vision des ados délirante : il faut pas parler de la mort ou du sexe.
On me dit "Vous êtes fou!" ou "Pourquoi écrivez vous des livres si tristes ?" Pourtant je suis pas trash, mais il suffit d’un truc et tout le monde (parents, ados.) vous tombe dessus !

J’y ai trouvé un espace d’expression complémentaire. J’essaie d’écrire le livre que j’aurais aimé lire à cet âge là. Il permet d’être plus à fleur de peau. C’est une forme de déverrouillage, de pudeur des sentiments. On est plus près des sentiments, plus lyrique, ce qui m’a fait du bien.

Pourquoi écrire des livres sur la télé ? Tout se joue ailleurs. La société c’est pas la télé."

Tout un pan de la littérature contemporaine actuelle (adulte) s’intéresse de près à la société, comme la télé-réalité qui passionne. Qu’en pensez vous ?

Ça m’intéresse pas. Ils sont hors sujet de la littérature. Ce sont des sujets anecdotiques et volatiles à moins d’être Jay Mcinerney ou Brett Easton Ellis, ça n’a pas d’intérêt littéraire. Pourquoi écrire des livres sur la télé ? Tout se joue ailleurs. La société c’est pas la télé.

Pourtant la télévision tient une grande place dans la vie des gens. Non ?

Mais pour moi c’est plus du journalisme. Ce qui est intéressant c’est quand quelqu’un allume la télé, sans le son et ne la regarde pas mais savoir pourquoi les gens veulent être célèbres pour la télévision et tout ça, ça c’est. Ce qui est dit dedans ne dépasse jamais l’article de 3 lignes journalistiques. C’est un peu la même chose pour les livres sur la publicité, etc. C’est anecdotique. C’est pas de la littérature. Y’a pas de hauteur de vue.

Ca vous semble fade ou quoi ?

Bah. si je voulais être provocateur, je dirais que les affres sentimentales d’un jeune bougeois trentenaire parisien, j’en ai rien à foutre. Et les miens, m’intéressent encore moins. Ca m’intéresse si on le dynamite. J’ai l’impression que ce sont juste des productions de l’époque.

Vous parliez de narcissisme. ?

Ca a plus à voir avec les médias qu’avec la littérature. Tout cela me paraît très loin de moi.

Lisez vous beaucoup de littérature contemporaine ?

Oui en effet. j’aime beaucoup par exemple Richard Ford, Rick Moody, Haruki Murukami, Larry Brown, Laura Kashishke, Michaël Collins…

Vous trouvez que la littérature américaine est plus riche que la littérature française ?

Elle est déjà triée. Le niveau moyen est infiniment supérieur. Il y a des questions franco-françaises qui font qu’on s’éloigne de la société. Des problématiques qui n’existent pas aux Etats Unis comme le fait de raconter des histoires ou pas, le travail de la langue. La littérature américaine est tellement au delà de ça : c’est vraiment une leçon. La littérature japonaise est très riche aussi comme Haruki Murukami que j’aime beaucoup.
Je viens de lire le nouveau livre de Jean-Paul Dubois "Une vie française", qui est très bon aussi. Mais c’est vrai que la littérature américaine passe première dans mes influences.

Avez vous déjà lu un (ou plusieurs) livres de Nicolas Rey ?

J’ai jamais lu Nicolas Rey. Je l’ai croisé 2 ou 3 fois parce qu’il défend mes livres depuis le premier. Et j’en suis ravi ! Je l’écoute chez Pascale Clark. Je le trouve très talentueux mais j’ai aucune idée de ces livres. Mais c’est vrai que les thématiques qu’il aborde, à l’instar d’un Beigbeder ou d’un Ono-dit-Biot, je me sens très loin de tout ça. Il y a tellement de choses qui sont plus proches de mes préoccupations, je fais l’impasse. Avant je lisais tout : les livres dont on parlait, pour m’en faire une idée. Il y a encore un temps, j’aurais même lu Justine Lévy pour m’en faire une idée ou Lolita Pille ou je sais pas quoi.

Maintenant je n’ai plus le temps. Déjà parce que je passe 6 heures par jour à lire des manuscrits (il est éditeur aux Editions du Rouergue ndlr) donc quand je lis pour moi j’essaie de me faire plaisir.

Je vais directement aux sources, à ce qui me nourrit, suivre les auteurs que j’aime, les évolutions, les filiations, ma propre toile littéraire. Et puis de temps en temps se refaire des cures de Virginia Woolf, de Tchekov, de Henri Calet… Ça prend du temps aussi. Je suis pas très au fait de la jeune littérature

Celle que je connais est celle à laquelle on me raccroche plus volontiers : Chloé Delaume, Arnaud Catherine…

Quel regard portez vous sur votre génération d’écrivains trentenaires dont en parle
en France ?

Le seul auteur dont je me sens proche c’est Arnaud Catherine, sinon mes affinités sont plus avec des gens plus âgés. Je pense que c’est un pêché de jeunesse, ou peut-être est ce de ma part, mais je les trouve trop sociétaux. Les sujets abordés traitent beaucoup trop de la société des médias ou sur la pose dandy.

"Trouver son écriture, c’est faire le deuil de l’écriture des autres."

Ce sont des sujets qui vous semblent fades ?

C’est vrai que l’on parle de ce qu’on connaît. Que Nicolas Rey parle de ses conquêtes, ses soirées. C’est sa vie aussi. Moi je fuis toute mondanité, je suis pas sociable : je suis un ours.

Je fréquente pas les plateaux de télévision. J’ai pas de copain journaliste. Je peux pas faire de livre sur le type qui va entrer dans les arcanes médiatico-journalistiquo-publicitero machin. Si j’écrivais là dessus, ça sonnerait faux. De toute façon, trouver son écriture, c’est faire le deuil de l’écriture des autres. J’écris ce que je crois devoir écrire, et ce que je peux.

Si je devais écrire sur un thème sociétal, ce seraient plus les classes sociales, les situations de précarité, ce que Bourdieu aurait appelé "la misère du monde". C’est aussi une fidélité à mes origines sociales.

Ma seule préoccupation est de me sentir vivant."

Que représente l’âge de 30 ans pour vous ?

Il hésite. A 20 ans, j’étais plus en apprentissage, plus attiré par "des choses qui brillaient" alors que là mon seul fantasme c’est de me barrer loin, de voir personne.

C’est l’âge de raison ?

A 25 ans, des choix se sont opérés, où je finissais avec un âge où j’ai beaucoup subi. Alors que maintenant je sais ce que je veux. Il y a plein de choses que je ferai pas. que je ferai plus.

Est ce que vous vous sentez mature ?

Rires. J’espère pas. dans mature, il y a mûr, de mûr à pourri, y’a qu’un pas.

Est ce que vous vous sentez adulescent ?

Ma seule préoccupation est de me sentir vivant. Cela peut s’accommoder de l’adulescence, même si c’est quelque chose que je ne ressens pas. Mais ça s’accommode très mal de la maturité. Mais ma manière de me sentir vivant, est très discrète, très cérébrale. Il y a aussi une question d’exigence, sur moi ou mon entourage, qui va en grandissant. Le milieu littéraire vous amène à savoir ce que vous avez envie de faire de "ça".

Et "ça" vous n’en voulez pas ?

Oui c’est certain (sourire).

Propos recueillis par Claire Fercak

Passer l’hiver bientôt au cinéma ?

Alors que Poids léger, l’adaptation ciné du second roman d’Olivier Adam est sorti sur les écrans cet été, une nouvelle adaptation est déjà en préparation sur « Passer l’hiver ».

Olivier intervient en qualité de consultant. Le réalisateur en sera Jallil Lesper. Mais l’adaptation n’est pas aisée. Le projet retient pour le moment l’idée d’assembler plusieurs nouvelles et de créer ainsi une sorte de film chorale qui se déroulerait la même nuit : la nuit de la saint Sylvestre. L’histoire centrale sera la nouvelle de la fille avec la station service. Autour de ça, graviteraient 4 autres nouvelles (Le nouvel an, Cendres, Sous la pluie, A l’usure) qui se croiseraient.

 » Le cinéma me nourrit et nourrit mes textes. L’échange d’idées avec les réalisateurs ou les acteurs est aussi passionnant. Mais l’écriture de scénario, j’aime pas ça du tout ! C’est une écriture très pauvre. On est réduit aux anecdotes, aux dialogues, je suis pas fan. On a pas l’élan de la langue qui est mon moteur n°1, avant les personnages, l’intrigue, les dimensions politiques, sociologiques, tout ce qu’on veut : Machin entre dans une pièce, il fait ça, Machin lit. C’est un boulot, mais c’est pas du tout la même vibration. » Olivier Adam