La crise de la vingtaine, du passage à l’âge adulte, des responsabilités ou encore crise d’adolescence tardive affectent tout autant la génération Y encore appelée millenials que leurs aînés. Un thème finalement éternel qui continue de nourrir la littérature et l’imaginaire des jeunes auteurs dans la droite lignée de cette littérature adulescente et regressive que l’on voit fleurir depuis la génération X ! Le cap d’une nouvelle dizaine, d’une nouvelle décennie, qu’elle soit vingtaine, trentaine, etc. n’est jamais aisé et peut conduire à ces fameuses « crises de vie » ou « crise existentielle » qui nous amènent à questionner nos choix de vie, à faire le bilan et envisager l’avenir, mais aussi forcément a des changements qui peuvent s’averer angoissants. La nouvelle generation nee avec Internet ultra connectée n’échappe pas a ces rites de passage. Elle le met d’ailleurs en image et en scène avec beaucoup d’auto-dérision et de perspicacité. Un des plus réussis récemment sur le thème s’intitule Les adultes n’existent pas traduction du titre original Adulthood is a myth de la jeune Américaine Sarah Andersen. Venue du Web, elle a publié ses planches originellement sur Tumblr entre l’âge de 17 et 20 ans alors qu’elle etait encore etudiante en fac d’art.
L’ouvrage est paru en 2017 en France (mars 2016 aux US) mais semble-t-il assez discretement, je n’en avais du moins pas entendu parler. C’est au detour d’une visite à la librairie d’Harvard à Boston ou il etait mis en evidence (a cote du Petit prince ! photo ci-dessus du presentoir), que ce petit roman graphique minimaliste sera finalement arrivé entre mes mains (ravies!). Andersen ne reinvente pas la roue et surfe sur des themes deja familiers du lecteur amateur de l’univers intimiste des auteurs de romans graphiques canadiens tels que Seth, Chester Brown, Jeffrey Brown ou même côté francais Dupuy et Berberian ou encore Aude Picault pour citer une rare femme dans cette veine.
Personnage d anti hero(ine) looser, galerien, doux reveur, a tendance asociable/introvertie, en manque de confiance en eux, vivant dans leur petite bulle et assez inadapté à la societe en general , a ses contraintes de vie pratique, et au monde de l entreprise ou des institutions en particulier. Personnage plus que jamais vital et sain a l’heure des reseaux sociaux et de leurs vies parfaites de « winner » affichees ostentatoirement a l’envie !
Quasiment a la meme periode, sa consoeur, Samantha Jayne, directrice artistique et actrice a Los Angeles, egalement issue de Tumblr mais aussi d’Instagram et de Youtube, publiait sa poesie illustree minimaliste « du quart de vie ». Le genre est definitivement et officiellement lance : Quarter Life Poetry: Poems for the Young, Broke and Hangry, traduit en francais en 2017 aussi sous le titre Rimes pour jeunes, fauchés & en colère (on s amusera du neologisme « hangry » desormais passé dans le langage forme de l’association hungry+angry= une faim enragee). L’ambition de cette derniere est tout simplement de dedramatiser toutes ces « bizarres luttes personnelles du quotidien » en « les transformamt en petit quatrain poetique pour les relativiser et pouvoir en rire et les partager » a-t-elle explique au magazine en ligne Bustle. Elle raconte encore que l’idee lui est venue justement pour contrebalancer cette sorte de schizophrenie exacerbee qui habite la generation Y liee a leur double vie : celle soigneusement faconnee et triee sur les reseaux sociaux et leur vrai etre fait de defauts et de vulnerabilites et frustrations. Elle decline ici la pression sociale et la peur de rater sa vie encore un peu plus exacerbees par la comparaison sociale permanente sur Internet, ou encore le manque d’epanouissement professionnel, faisant de tous ces petits moments pathetiques ou angoissants des instants poetiques facon haiku.
On pense aussi un peu a Pénélope Bagieu a ses (regrettés!) debuts pour le côté tranche/scene de vie choisie avec piquant ou encore Yatuu qui denoncait la vie de stagiaire exploitee. Récemment Léa Frédeval, Bayard publiait a 22 ans Les affamés, chroniques d’une jeunesse qui ne lâche rien, se voulant un manifeste de la génération Y desireuse de forger sa place dans une société qui ne respecte pas les jeunes et refuse de leur donner leur chance selon l auteur qui a d ailleurs elle-meme adapté son livre au cinema avec la chanteuse Louane dans le 1e rôle. L’histoire d’une jeune fille qui va apprendre a « déconstruire l’individualisme dans lequel elle est habituée à vivre, pour arriver au collectif« , selon l’auteur.
Version video, le youtubeur Norman avait aussi réalisé une très bonne video Devenir adulte sur le desarroi du jeune vingtenaire devant s’assumer :
Ici Andersen se concentre sur l’univers étudiant pré-entrée dans le monde du travail, le difficile adieu a l’insouciance donc et la preparation a un monde competitif ou il faut savoir se vendre, se demarquer, etre proactif, et toutes ces nouvelles obligations qui pesent sur vous a l’entree dans le monde adulte.
En quelques traits dans un style naif bien senti, elle croque ses failles, doutes, incertitudes, petites et grosses faiblesses/complexes, hontes, decouragements, en prenant un plaisir non dissimulé à appuyer là où cela fait mal 🙂 Mention spéciale aux planches sur l’achat impulsif parfaitement inutile mais tellement nécessaire, la flemme de se bouger, le sac des filles aux profondeurs intergalactiques ou tous ces petits malaises insoupconnes de la vie quotidienne pour les introvertis. Elle aborde aussi quelques themes plus engages comme le regard porte sur la pilosite ou le corps des femmes en pronant la bienveillance (« body positive »).
Et même si l’on a plus 20 ans, ces saynètes s’averent assez multigenerationnelles en faisant echo a nos baisses de moral, de motivation que l’on peut experimenter a tout age alors que l’on se doit de « rester dans la course » et ne pas se laisser submerger meme si parfois l’envie de disparaitre sous la couette ou giser au sol en mode crêpe comme l’illustre si drolement l auteur!, de se laisser aller et fuir ses responsabilités, guette aussi ! [Alexandra Galakof]
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