Le Salon du livre 2009 aura marqué un point d’orgue à la « croisade » Princesse de Clèves lancée depuis la fâcheuse (et désormais fameuse) déclaration de Nicolas Sarkozy en 2006, lors d’un meeting UMP : « La princesse de Clèves ! Voilà ce que donne l’Education nationale pour épreuve d’examen ! Etonnez-vous que ça aille si mal. Si c’est ce qu’on enseigne à nos enfants. » ainsi que « Dans la fonction publique, il faut en finir avec la pression des concours et des examens. L’autre jour, je m’amusais, on s’amuse comme on peut, à regarder le programme du concours d’attaché d’administration. Un sadique ou un imbécile, choisissez, avait mis dans le programme d’interroger les concurrents sur La Princesse de Clèves. Je ne sais pas si cela vous est souvent arrivé de demander à la guichetière ce qu’elle pensait de La Princesse de Clèves… Imaginez un peu le spectacle ! En tout cas, je l’ai lu il y a tellement longtemps qu’il y a de fortes chances que j’aie raté l’examen ! »
En effet, après les lectures marathon devant le Panthéon en février dernier et même un groupe Facebook “Je lis La Princesse de Clèves”, le stand du Motif, l’observatoire du livre en Ile-de-France proposait des badges du même intitulé. Une mobilisation qui aura fait du roman de Madame de Lafayette le best-seller le plus inattendu du Salon du livre.
Faut-il s’en réjouir ? Oui et non.
Oui parce qu’il est toujours bon de saisir une occasion pour donner envie aux gens d’aller (re)découvrir un chef d’oeuvre.
Mais non, car à travers toutes ces manifestations, on parle finalement bien peu de l’oeuvre en elle-même, du roman et de sa portée littéraire. Non ce qui intéresse essentiellement c’est le symbole anti-sarkozyste que cette pauvre princesse de Clèves (qui a déjà assez de soucis comme ça à repousser les avances du Duc de Nemours, déjouer les rumeurs de la Cour et refroidir ses passions ardentes !) est en passe d’incarner malgré elle.
Une fois encore on assiste aux méfaits de la convergence entre politique et littérature, s’assimilant ici à une récupération militante.
On se fout, à vrai dire, de la richesse et de la finesse psychologique de ce roman, de ses rebondissements haletants et inattendus dignes d’un thriller, de la souffrance de la princesse de Clèves, de ses dilemmes, de son incroyable force d’abnégation.
Et c’est fort dommage de réduire ainsi ce chef d’oeuvre à un simple badge politique…
Bref, pour parler donc plus précisément de l’oeuvre en elle-même, j’aimerais dans ce billet, m’intéresser à une question un peu plus littéraire sur le personnage de la princesse de Clèves.
Tout d’abord quelques souvenirs de ma lecture que j’avais notés :
Au début de ma lecture, j’avais l’impression de lire la Comtesse de Ségur. Ensuite cela tourne à la Jane Austen avec toutes les stratégies maritales de bon parti et les grands discours sur les vertus morales où mariages de raison et de sentiment s’affrontent. Bref rien de très engageant (je ne suis pas du tout adepte de Jane Austen) au moins jusqu’à la mort de la mère de Madame de Clèves (Madame de Chartres donc). Là l’intrigue du roman commence vraiment à se mettre en place et l’intérêt va grandissant . Au final, un roman qui pourrait apparaître à l’eau de rose mais qui s’avère bien plus profond et complexe.
On se laisse gagner par les émotions même si on a souvent envie de gifler quelque peu les douces joues roses de la pieuse de Clèves…
Pour en revenir à cette dernière, j’avoue que contraiement à une Emma Bovary ou à une Anna Karénine, j’ai apprécié son personnage auquel je trouve une grande force mentale et du panache.
On me dit au contraire qu’elle n’était qu’une hypocrite et que sa soi-disante vertu n’est qu’une façade car comme les autres intrigants de la Cour, elle est dissimilatrice et calculatrice.
Je ne suis pas d’accord avec cette interprétation.
Contrairement à une Bovary qui est elle, oui, complètement matérialiste et sans scrupules, la princesse de Clèves n’use de dissimulation ou de calculs que pour se protéger et protéger les siens (son mari, sa famille) quitte à se sacrifier et ne pas connaître le bonheur… [Alexandra Galakof]
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