La blogueuse, auteur et illustratrice Garance Doré écrit souvent des textes très vivants et profonds sous leur allure de légèreté sur son blog, au fil de son évolution personnelle. Dans l’un de ses précieux billets intitulés « Mes chères régles » désormais classés dans la rubrique « journal » de son site collectif bilingue rebaptisé Atelier Doré, elle évoque l’expérience d’une jeune adolescente devenant femme confrontée à la violence du regard masculin tant dans l’enceinte scolaire que dans la rue. Tout ce que les Américaines ont à juste titre désormais donné un nom l le body shaming (culpabilisation corporelle) ou encore pire slut shaming (culpabilisation sexuelle) qu’Annie Ernaux aborde aussi dans Mémoire de fille sous un autre angle. Elle exprime le sentiment de honte, de malaise, de rejet de soi qui en découlent et dont souffrent tant d’adolescentes, mais aussi le décalage entre le corps mature et l’âme qui reste celle d’une fillette. Une blessure qui laisse des marques à vie, témoigne-t-elle dans cette chronique puissante. Extraits choisis :
Un corps de femme ne protège pas un esprit d’enfant.
« J’avais été la première de ma classe à devenir aussi manifestement femme, et malheureusement, quoi que je fasse pour me cacher, il était bien difficile de le nier.
J’avais onze ans, et les hommes me regardaient dans la rue. À l’école, les garçons ne me lâchaient pas. Et ils étaient rarement gentils. Quand ils l’étaient c’était pour obtenir des faveurs, ce qui me plongeait dans des océans de doute. Parce que c’est comme ça. Un corps de femme ne protège pas un esprit d’enfant. Je ne savais pas me protéger. Et les mots durs, vulgaires, déplacés, ces mots-là, reçus si jeune, ne s’effacent jamais. »
Elle conclut enfin avec un très beau message final d’appel à la sororité et de célébration de sa fémiité malgré les injonctions et invectives masculines :
« Si je vous écris aujourd’hui, ce n’est pas pour moi, (…) et que vous, mes règles, mon corps, ma féminité, mon intuition, êtes à présents les guides de mon existence.
C’est pour toutes les petites filles de onze ans qui sont là, toutes seules, à se demander que faire de toute cette puissante féminité qui éclot en elles. Toutes les ados. Toutes celles à qui l’on a fait ressentir la honte d’avoir ses règles, la honte d’être femme.
Cette féminité, écoutez-la, respectez-la, et cassez les pieds et cassez la tête à tous ceux qui essayent de la diminuer. De vous dire que vous êtes sales, vulgaires, hystériques ou émotionnelles. Que vous l’avez bien cherché.
Ne vous cachez pas à vous-même. Ne vous cachez pas aux autres. »
Lire le texte complet : http://www.atelierdore.com/fr/garance/diary/my-dear-period/
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