Le Malheur du bas d’Inès Bayard était l’un des romans phares de la rentrée littéraire de septembre 2018 publié par Albin Michel. Arrivé par la poste et découvert par son service des manuscrit, il a immédiatement tapé dans l’oeil de la responsable des manuscrits Lina Pinto qui raconte : « J’attendais le grand texte émanant d’une nouvelle génération de femmes, pas un témoignage ni de l’autofiction, mais un vrai roman sur le viol. Quand j’ai ouvert le manuscrit d’Inès Bayard, j’ai tout de suite su que je tenais la pépite. » L’enthousiasme chez l’éditeur était tel que le programme de la rentrée littéraire déjà bouclé a été remanié spécialement pour la primo-romancière âgée de 26 ans.
Le sujet de son roman qui dissèque le rapport au corps d’une femme et sa vie de couple après avoir subi un viol, était pourtant difficile et dérangeant. Il s’inscrit toutefois dans la lignée de la très en vogue Leïla Slimani, en particulier Chanson douce sorti chez Gallimard en 2016.
Dans une interview, la jeune auteur revient sur l’écriture de son roman âpre et plus particulièrement de la scène brutale du viol subi par son héroïne, particulièrement sensible et cruciale :
« C’est peut-être un peu étrange de dire ça, mais je traite la scène de viol de la même manière que je traiterais une scène de repas. Pour moi, c’est la même chose. Il y a un détachement qui se fait à l’écriture, dans l’exigence que l’on met dans la grammaire, l’orthographe, les tournures de phrases. Quand on écrit, même s’il s’agit d’une scène ultra-violente, on reste concentré sur l’écriture. D’une certaine façon, mon esprit se détache un peu de la scène pour que j’aie une réflexion honnête sur celle-ci. Je pense que c’est justement en ajoutant du sentiment qu’on tombe facilement dans le pathos. Il faut arriver à écrire les scènes les plus violentes sans perdre sa concentration. »
Elle commente aussi son choix réfléchi du temps présent:
« Le choix du présent est essentiel dans la narration parce que cela actualise la position du corps dans le récit. Si j’avais décidé de faire un récit au passé ou d’avoir un passage qui raconte le viol, cela aurait été différent. La violence du viol et de toutes les conséquences aurait été altérée par cette vision passée. Évidemment, je ne suis pas contre l’utilisation du passé en général, c’est un outil très intéressant, mais pour ce récit, j’ai choisi le présent pour que le corps soit actualisé à l’intérieur de la narration. Et pour que le lecteur puisse comprendre immédiatement la violence du texte. Si on écrit au passé, il y a tout de suite une altération du texte qui fait qu’il ne suit pas la position du personnage. »
(Source : La Presse+)
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