Une récente étude américaine* sur les lectures d’étudiants a révélé que la lecture d’œuvres littéraires ou scientifiques exigeantes favorise à la fois la mémorisation et une meilleure expression écrite.
Si ces conclusions n’étonneront pas beaucoup, c’est surtout les dessous du phénomène ainsi mis en évidence qui sont intéressants à explorer, et notamment les mécanismes cérébraux en jeu selon les différents types de lecture.
La lecture « immersive » stimule nos fonctions cérébrales
Menée par The international Journal of Business Administration auprès d’un panel de 65 participants âgés de 23 à 42 ans inscrits en année de MBA (soit la génération X et Y -ou « millenials »- en anglais), cette étude de mai 2016 visant à analyser le niveau écrit des étudiants, a démontré que la lecture d’œuvres littéraires ou scientifiques (comme les revues de recherche universitaires) complexes avec une syntaxe élaborée facilite la mémorisation cérébrale et une écriture recherchée.
La raison en revient au mécanisme « immersif » (« deep reading ») qu’elle implique. C’est cette immersion qui va activer dans le cerveau les zones permettant de s’identifier aux personnages et aux expériences qu’ils vivent (empathie et mécanisme de simulation) et d’engager un traitement et une assimilation profondes du contenu. L’expression « être plongé dans un livre » prend ainsi tout son sens !
Plus précisément, elle stimule les 3 zones qui gèrent nos facultés à écrire, parler et écouter: l’aire de Broca pour le rythme et la syntaxe, l’aire de Wernicke pour le sens des mots et le gyrus angulaire pour l’interprétation. En faisant travailler en symbiose ce trio stratégique, le lecteur avisé va intégrer naturellement et implictement les figures de style et autres raisonnements sophistiqués des auteurs qu’il lit et pourra ainsi les reproduire d’une façon « instinctive » en quel que sorte.
Les zones du cerveau ainsi suscitées font travailler votre faculté d’analyse, de compréhension et d’interprétation. Non seulement vos capacités mémorielles sont développées, mais le style de l’auteur est imprimé dans votre mémoire… ce qui améliore inconsciemment votre style d’écriture.
De plus, la lecture d’un langage varié et riche nécessite un niveau de concentration supérieur à une lecture basique
Développer sa créativité
La lecture de poèmes ou de grands romans développe donc de façon générale la créativité par les émotions fortes qu’elle suscite. En se « glissant » dans la peau d’un personnage et en pénétrant l’intimité de leur psychologie, le lecteur se livre, ce faisant, à une introspection qui lui donne accès à un niveau situé entre la contemplation et la méditation. Enfin, ce type de lecture entraîne une réflexion et une analyse qui vont accroître le niveau de rédaction.
De façon générale, la lecture de fiction littéraire, par sa profondeur psychologique, possède un pouvoir plus engageant que la simple lecture d’articles journalistique ou d’essai ou de littérature populaire, qui nous permet de mieux comprendre autrui (renforcement de la capacité d’empathie, et de la théorie en science cognitive dite « de l’esprit » (nommé « theory of mind » par les chercheurs américains).
Plus un texte est chargé émotionnellement, plus de zones sont activées cérébralement. Ainsi la poésie s’avère plus stimulante que la prose comme l’a démontré un article publié dans le « Journal of Consciousness Studies » (cité par Susan Reynolds auteur de « Fire Up Your Writing Brain » -« Embrasez votre cerveau littéraire » en VF, non traduit). Plus précisément la poésie active le cortex cingulaire postérieur et les lobes temporaux médians qui correspondent à des parties du cerveau lié à l’introspection. De plus la lecture de poésie stmule les zones cérébrales gérant la mémoire favorisant des réminiscences affectives et la créativité littéraire en général.
La lecture « flash » ou « facile » improductive
À l’inverse, les élèves ne lisant que les pages web comme Buzzfeed, Tumblr ou de la littérature dite de « divertissement » (la fantasy, la SF, le polar – encore que dans le domaine on puisse aussi trouver des œuvres exigeantes mais passons ndlr) affichent des résultats moins bons que les lecteurs assidus de classiques et d’essais.
Cette lecture superficielle, où l’on se contente de « parcourir » rapidement, en cliquant/zappant d’une information à l’autre n’engage pas le lecteur profondément et donc ne fait pas travailler le cerveau. Elle revient à un simple décodage des mots, sans effort particulier d’interprétation ou d’identification.
On se rappellera ici le fameux adage horatien du « plaire et instruire » si cher aux néoclassiques 🙂
A lire en complément:
La science de la littérature : les effets de la fiction sur notre cerveau
Comment Internet modifie notre cerveau ? (mémoire, lecture, apprentissage…)
* « Syntactic Complexity of Reading Content Directly Impacts Complexity of Mature Students’ Writing » par Yellowlees Douglas et Samantha Miller de l’Université de Floride : http://www.sciedupress.com/journal/index.php/ijba/article/view/9481/5736
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