L’avocat Parisien Me Emmanuel Pierrat, spécialiste du droit d’auteur et de la propriété intellectuelle, revient sur les grands principes juridiques déterminant le délit pénal de plagiat littéraire, dénommé juridiquement « contrefaçon« . Il en rappelle les bases légales qui sont aussi subtiles que complexes et où l’appréciation des juges fait aussi part à leur subjectivité dans certains cas :
Il est à noter que la notion de « plagiat » (condamnation morale) n’existe pas d’un point de vue juridique. C’est la contrefaçon qui punit les infractions au droit d’auteur. Pour la petite histoire, jusqu’au XVIIIe siècle, un auteur qui s’estimait indûment pillé n’avait aucun recours légal possible car la reproduction, le pastiche ou l’imitation étaient libres. Célèbre exemple : Lafontaine ayant repris Esope.
Le droit d’auteur est instauré avec six arrêtés royaux de 1777, complété de deux lois de 1791 et 1793. Mais il faudra attendre la fin du XIXe siècle pour assister aux premiers grands procès pour plagiat/contrefaçon. La jurisprudence ne cessera de croître tout au long du XXe siècle.
Aujourd’hui pour établir un délit de contrefaçon, la justice cherche à établir non seulement l’antériorité du texte de l’auteur qui s’estime victime, mais aussi la probabilité que le plagiaire soupçonné ait pu en prendre connaissance. L’avènement d’Internet rendant évidemment l’accès aux sources d’information très facile.
Démontrer juridiquement le plagiat en littérature et faire valoir son droit d’auteur : un délicat travail de fourmis
Des juridictions hyperspécialisées s’occupent de traiter de ces affaire, comme la troisième chambre du tribunal de grande instance à Paris. Au vu de la complexité du jugement à rendre, les magistrats s’appuient sur divers outils d’expertise et notamment des tableaux de concordance assistés par ordinateur afin de détecter les éventuelles similitudes.
Comme l’a défini la Cour de Cassation (Cass. 1ère Civ. 23 févr. 1983 : affaire gagnée par Françoise SAGAN accusée de contrefaçon de la nouvelle « La vieille femme » de Jean HOUGRON), il s’agit d’effectuer « une comparaison des éléments intrinsèques de deux œuvres [afin] de déterminer si l’une constitue ou non une adaptation, une transformation ou un arrangement illicite de l’autre. » Une notion très subtile qui s’analyse au cas par cas car des similitudes peuvent se trouver fortuitement du fait du cadre du roman ou de la situation des personnages.
Les copiés-collés bruts étant eux, en revanche, beaucoup plus facile à mettre en évidence bien sur.
A noter qu’en droit, on ne protège pas une idée.
Le droit protège deux éléments :
– l’expression – c’est-à-dire, le style, la façon dont l’auteur a développé une idée, une image, une scène
– la composition, correspondant au déroulement de l’intrigue
Comme toute infraction pénale, les juges rechercheront aussi la conjonction de trois facteurs : matériel, intentionnel et légal.
Quant à la ligne de défense -courante- des auteurs accusés reposant sur « l’intertextualité » et la « capillarité » voulant que les lectures d’un auteur s’infusent en lui et rejaillissent « inconsciemment », elle n’aurait pas de valeur juridique.
Concernant l’indemnisation, la fourchette large varie entre 5 000 et 100 000 euros en fonction de l’importance du préjudice subi, de la notoriété du plagiaire et du succès du livre incriminé. (Source : l’avocat Me Emmanuel Pierrat, spécialiste du droit d’auteur et de la propriété intellectuelle, interviewé par France culture ; 16/03/18)
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2 Commentaires
Je viens de lire un livre publié en 2019 par Mr M.L. d’ANGERS intitulé « Mémoires d’un gentilhomme impertinent ». Je m’aperçois que ce livre reprend quasiment mot pour mot des publications anciennes du 19 ièm siècle et notamment le livre publié en 1845 à Paris, chez CHLENDOWSHI, intitulé « Mémoires secrets de Gaston-Jean-Baptiste Duc de Roquelaure. Le nom du personnage principal a été changé en « Duc de Rochegarde » mais le reste est à 95 % un copier-coller. Mr M.L. ne cite pas ses sources dans son livre. Il s’est approprié la paternité de ce livre. Il a fait des séances de dédicaces publiques et vend son livre en librairie et sur Internet. En a-t-il le droit ? Que puis-je faire pour « rétablir » la vérité car ce monsieur est pour moi un contrefacteur ? Je suis seulement un lecteur ordinaire sans moyen particulier. Faut-il alerter la presse locale ? Merci de vos réponses
Aucun droit . Pas d’intérêt personnel pour agir . Donc irrecevable à mon avis.