Hier, dimanche, je regardais « La grande librairie », une émission littéraire sur France 5, animée par François Busnel. Parmi les invités se trouvaient notamment Philippe Djian (pour « Impardonnables ») et Chloé Delaume (pour « Dans ma maison sous terre »), deux auteurs dont j’ai pu apprécier certains romans, dans le passé, mais que je ne suis plus depuis, n’ayant pas forcément accroché à leur évolution littéraire (j’ai néanmoins prévu de creuser encore la bibliographie de P.Djian, notamment certains de ses romans des années 80 que je n’ai pas encore lus).
Il n’est jamais évident de parler de littérature et bon, assez souvent, j’ai tendance à zapper ce type d’émission qui n’apporte malheureusement pas grand chose sur le livre, l’œuvre en elle-même.
Mais j’ai décidé d’écouter/regarder celle-ci, plutôt bien faite et divertissante justement (on y vient, on y vient) jusqu’au bout.
Beaucoup de blablas et tout à coup, Chloé Delaume est interrogée sur la littérature française et ne manque pas de resservir son couplet habituel sur le fait que 80% de la production « ne ressemble à rien ».
Première remarque que je me fais, et que je m’étais déjà faite précédemment face à ce type de propos : a-t-elle lu la totalité de la « production littéraire » française pour pouvoir décréter, de façon si péremptoire que 80% serait donc bonne pour le pilon ?
Et bien entendu quels sont ses critères pour « juger » des uns et des autres… ?
Et enfin ses critères sont-ils censés être universels et s’appliquer à tout à chacun indifféremment… ?
Bref, jusque là, tout va bien, nous sommes dans le discours déclinologue routinier que l’on entend un peu partout quand il s’agit de parler de littérature française.
C’est plutôt la suite qui m’a quelque peu surprise. Face à la tentative de nuance de François Busnel, l’écrivain ajoute qu’il s’agit là d’une « littérature qui divertit ». Je vous laisse imaginer la mimique de dégoût et de dédain qui accompagne l’expression.
Et lorsque Busnel lui suggère que son roman qui contient des notes d’humour serait aussi en un sens, divertissant, elle le prie de ne pas l’insulter (« ce n’est pas du divertissement, ce sont des blagues », le corrige-t-elle au passage).
Avant de conclure magistralement : « Se divertir avec la littérature, c’est grave… politiquement »
Alors là forcément je me pose de nouveau pas mal de questions : Mais qu’est-ce donc que cette « littérature » qui a l’horrible et affreux mauvais goût d’être divertissante.
Vérifions avant tout dans notre petit Larousse, la définition du mot « divertissant » : participe présent de ce qui divertit en d’autres termes ce qui distrait, ce qui amuse, égaie.
Ah. C’est pourtant bien ce qui me semblait.
Donc si je suis le raisonnement de l’auteur du Cri du sablier, lorsqu’on lit un roman, il est expréssément interdit de se distraire avec, et encore moins de s’en égayer. Dans le même ordre d’idée, je lisais, avec circonspection, les propos d’Olivier Adam (dont j’ai bien aimé « Falaises » entre autres) dans une interview de l’Express qui s’insurgeait contre « la littérature fun » (bon là j’ai eu beau chercher, je n’ai pas réussi à comprendre ce que cela recouvrait…).
Si on remonte un peu dans l’histoire littéraire, il me semble que des gens pas trop stupides au hasard Horace ( et son « dulce et utile », utile et agréable), repris par Racine, Corneille, Molière, Boileau, les néoclassiques du XVIIe (et déjà les humanistes avant eux) suivis par leurs confrères anglais Alexander Pope en tête ne cessaient de rappeler que la littérature devait « plaire et instruire »…
En d’autres termes, si l’on pousse la logique Delaumienne ou Adamesque jusqu’au bout, il ne faut donc pas prendre de plaisir à la lecture… Aie, c’est ennuyeux cela. J’avoue qu’il y a tout de même beaucoup de livres, qui me semblaient bien être de la littérature, et qui m’ont donné beaucoup de plaisir. Je risque donc le délit politique si je comprends bien… [Alexandra Galakof]
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