En mars 2012, la Cour d’assises du Nord acquittait Alexandra Lange, une femme battue de 32 ans qui était jugée pour le meurtre de son mari, en 2009 à Douai, d’un coup de couteau à la gorge alors que celui-ci tentait de l’étrangler. Un verdict important qui marque une nouvelle étape dans la reconnaissance des enfers subis par les femmes battues (pour rappel, 1 femme meurt tous les 3 jours sous les coups de son mari).
Insultes, coups, humiliations : pendant onze années, Alexandra Lange a vécu un « calvaire » auprès de son mari alcoolique et violent. Selon la plaidoirie de son avocate, Me Bonaggiunta, elle « croyait au conte de fées » et a reçu « très vite la première gifle, les premières humiliations, (…) puis les coups de pied, de poing, les viols », décrivant la vie de sa cliente avec ce « monstre » comme un « enfer conjugal ». « Un amour qui prend vite l’allure d’une servitude, au départ acceptée : l’homme a quatorze ans de plus qu’elle, il représente la force, la protection, la sécurité qui lui manquaient. Mais le sauveur montre très vite son vrai visage. Celui que sa précédente épouse a fui, celui que l’entourage connaît sans pour autant avoir mis en garde Alexandra. »
Une nuit, elle a fini par se défendre d’un coup de couteau mortel, alors que son mari tentait de l’étrangler.
Apres son procès, en octobre 2012, elle publie, à sa demande, chez Michel Lafon son histoire sous forme de témoignage, ACQUITTÉE « JE L’AI TUÉ POUR NE PAS MOURIR. »
Malgré sa réticence à l’idée de se lancer dans l’écriture du livre, la jeune femme « s’est décidée finalement, en se disant qu’elle avait traversé cet enfer mais qu’elle pouvait faire que ça n’arrive pas à d’autres ».
Au-delà de ce long calvaire, « le livre fustige aussi le silence des témoins de l’enfer vécu par la jeune femme, l’indifférence policière, et l’omerta indigne qui perdure face à la violence conjugale« , explique l’éditeur.
En effet, la jeune femme avait tenté, à plusieurs reprises, de partir, de déposer plainte, d’alerter les services sociaux et les services de police, espérant protéger ses enfants, eux aussi victimes des violences de son mari… en vain.
En janvier 2015, TF1 diffusait une adaptation sous forme de téléfilm, L’Emprise, retraçant les trois jours de procès qui ont abouti à cet acquittement en utilisant le flashback pour raconter une histoire d’amour qui tourne en cauchemar. « Comment une femme en arrive-t-elle à tuer le père de ses enfants d’un coup de couteau ? Pourquoi la société n’a pas su la protéger, ni elle, ni ses enfants, de l’emprise d’un monstre qu’elle a, pourtant, aimé ? ».
D’après les avocates « le téléfilm est une pâle copie de ce qui s’est passé. »
La chaine a ainsi réalisé un record d’audimat avec 8,6 millions de Français rivés a leur écran. Son livre a aussi connu un regain de ventes phénoménal.
« On s’était préparé pour avoir du stock, mais là, vue l’audience du film, on réimprime« , a indiqué Margaux Mersié, l’éditrice du livre qui s’est classé numéro 1 des ventes sur Amazon, détrônant ainsi le roman Soumission de Michel Houellebecq !
Au delà de l’aspect un peu « sensationnel », le sujet mérite en effet de sortir de l’ombre et d’être plus médiatisé, pour que cesse enfin ce lynchage insupportable dont sont coutumières les femmes victimes de ces violences avec les toujours très faciles « elle n’avait qu’a partir » ou « porter plainte » (d’autant on le voit même quand cela est fait, cela ne change pas forcement leur situation !). Sur le site d’Amazon, une lectrice souligne d’ailleurs ces réactions récurrentes : « Sur d’autres critiques, j’ai lu que même après la lecture de ce livre, des personnes se demandaient pourquoi elle n’était pas partie plus tôt et cela m’a beaucoup surprise car elle analyse au contraire très bien les raisons qui l’ont fait rester : l’espérance sans cesse renouvelée d’une amélioration de la situation, la peur, l’absence de discernement… »
A noter que parmi ces victimes, seules 16% déposent plainte, un chiffre encore bien trop faible !
Parce qu’une femme qui porte un coup de couteau sur un homme n’est jamais sans raison, et qu’il faut se poser la question du pourquoi d’un tel acte avant de pointer un doigt accusateur comme on le voit trop souvent.
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